PAR J. J. S. CELLÉRIER,
Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui?
Qu'est ce que le fils de l'homme, pour qu'il soit l'objet de tes soins ?
Psaume. VIII, 5.
C'est en considérant l'étendue des Cieux déployés sur nos têtes que David tenait ce langage.
En effet, lorsque dans les heures tranquilles de la nuit nous contemplons ces feux, ces astres divers, ces mondes innombrables que la main du Créateur a semés dans le firmament, et qui nous donnent de sa puissance une idée si haute qu'elle est presque effrayante pour notre faiblesse ; lorsqu'ensuite, portant nos regards sur nous-mêmes, retombant sur notre néant, nous voyant perdus au milieu de cette immensité, nous songeons aux soins bienfaisants de la Providence, nous pensons que cet Être si grand dont les Cieux annoncent la gloire, est le même Dieu qui nous prévient tous les jours par mille et mille bienfaits de détail, qui nous soutient, nous supporte, nous pardonne, use à notre égard de tant de patience, de tant d'indulgence, comment ne pas être étonnés, confondus de cette bonté infinie dont nous sommes l'objet ?
Comment ne pas sentir notre coeur pressé du sentiment de son indignité ?
O mon Créateur ! Je me prosterne à Tes pieds, et je Te bénis.
Dans cette foule d'êtres que Ta Puissance a tirés du néant, Ton Amour distingue l'homme.
Faible vermisseau, enfant de la poussière, il n'est cependant pas oublié de Ta Providence :
Tes Gratuités l'environnent, Tu lui prodigues Tes Faveurs, Tu le destines à des biens infinis.
O Sagesse ! ô Pouvoir ! ô Miséricorde incompréhensible !
Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que tu te souviennes de lui ? (...)
Si, malgré notre tiédeur, nos infidélités, le Seigneur daigne répandre sur nous Ses grâces, s'Il nous accorde des saisons fertiles, s'Il fait mûrir les fruits que le printemps nous annonce, nous n'en jouirons qu'avec respect, avec une sainte crainte du nom de Notre Père.
Et si des signes menaçants se pointe, qu'ils nous disent cependant, ces hommes terrestres, qu'ils nous disent quels troubles les agitent et les privent quelquefois des douceurs du sommeil à l'approche du péril, que dis-je ?
A la simple apparence d'une calamité qui peut les priver du fruit de leurs travaux?
Lorsqu'après les premières chaleurs du printemps ils voient cette froidure, si redoutable pour les tendres jets de la saison, se répandre dans l'atmosphère, blanchir de nouveau le sommet des monts et nous menacer d'une gelée fatale ; lorsque l'aquilon furieux tourmente la nature et secoue avec fureur les rameaux des arbres, comme pour les dépouiller des fleurs qui font notre espérance, avant qu'elles aient pu se changer en fruits ; lorsqu'un soleil brûlant dessèche les plantes, durcit la terre, arrête toute végétation, ou que des pluies trop abondantes semblent devoir inonder nos champs et corrompre la semence qui leur fut confiée; lorsque de sombres nuages, précurseurs de la grêle, poussés par les vents, parcourent l'horizon et s'avancent rapidement sur nos têtes, la conscience n'entre-t-elle pour rien dans leurs inquiétudes et terreurs ?
O Dieu ! Bénis nos espérances, répands la sérénité dans les airs, et amène à la foi et la repentance par Ton Saint Esprit le coeur de l'homme.
A cette époque, la nature, la Providence, la Religion concourent ensemble pour disposer notre coeur et nous unir à notre Dieu.
La douceur de l'air qu'on respire, tous ces objets riants qui frappent nos regards, semblent nous dire :
Nos campagnes paraissent un Éden, où il ne manque que l'innocence : tout flatte notre espoir, tout doit animer notre reconnaissance.
Et, je le répète, c'est en vain que nous remarquerions, que nous admirerions toutes les merveilles dont nous sommes témoins : nous n'aurons que des jouissances imparfaites si nous considérons la magnificence de la terre sans nous élever avec amour à Celui qui en est l'Auteur, si nous ne le bénissons pas en voyant partout les traces de Sa Parfaite Sagesse, de Son Ineffable Bonté.
La Providence ajoute de nouvelles faveurs à celles dont nous sommes comblés dans la nature.
Elle ne se lasse point de veiller à notre conservation, de pourvoir à nos besoins, de nous instruire par les événements qu'elle dispense, de faire tourner toutes choses au bien de ceux qui aiment Dieu (Romains. VIII, 28.)
Si elle a permis que nous fussions atteints par ces calamités dont elle se sert pour visiter cette terre, amener des ténèbres à la lumière les hommes, pour éprouver et purifier l'Église, nous avons été privilégiés jusque dans nos peines : elle nous a ménagé des consolations et des ressources.
Maintenant elle a fait arriver l'heure de la délivrance.
Nous sommes appelés à bénir Notre Dieu pour sa gratuité éclatante, pour les grandes choses qu'Il a fait.
La Religion nous parle d'une voix plus forte encore et plus touchante.
Cette fête de Pâque que nous célébrerons en son temps, cette fête où tous les prodiges de l'Amour Divin ont été mis sous nos yeux, où, en approchant de la table sainte, conscients de notre faiblesse et de notre indignité, conscients et reconnaissants des miséricordes de Notre Seigneur, du fond de notre coeur sort encore cette voix :
Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que Tu te souviennes de lui ?
Puissent nos coeurs s'ouvrir aux douces influences de la Religion, comme nos champs aux rosées du Ciel !
Puissions-nous recevoir une abondante mesure de cet Esprit sans lequel nous ne pouvons rien, de cet Esprit qui nous sanctifie et nous console, qui nous scelle pour le jour de la Rédemption (Ephésiens,IV, 30).
Alors, en voyant renaître la nature, en admirant les bienfaits de la Providence et les merveilles de la grâce, nous dirons encore :
Qu'est-ce que l'homme mortel, pour que Tu te souviennes de lui ?
Mais nous le dirons avec ce doux sentiment qu'éprouvent les bienheureux lorsque, dans l'exaltation, dans l'ivresse de leur âme, ils s'entretiennent des gratuités du Dieu Sauveur, lorsqu'ils se perdent avec délices dans le sentiment de l'infinie miséricorde et de l'amour infini.
Amen,
J. J. S. CELLÉRIER,
source : Regard