« A Celui qui ne fait point d’œuvre,
mais qui croit en Celui qui justifie l’impie,
sa foi lui est imputée à justice »
(Romains 4-5)
Supposez qu’un homme riche, au cœur généreux, se soit résolu à remettre leurs dettes à tous ses débiteurs ; il est parfaitement clair que cela ne peut concerner que ceux qui lui sont réellement redevables.
L’un lui doit une somme avoisinant près de mille, un autre lui en doit cinquante, chacun d’eux est libéré de toute dette dès qu’il a reçu sa quittance.
Mais l’homme le plus généreux du monde peut il remettre les dettes de ceux qui ne lui doivent rien ?
Il est au dessus du pouvoir de la toute puissance elle même de pardonner là où il n’y a point d’offense.
Ainsi donc, à vous qui n’avez point de péché, le pardon ne peut être donné.
La grâce n’est que pour les coupables.
Le pardon n’est que pour les pécheurs.
Il est absurde de parler de faire grâce à un innocent, et de pardonner à quelqu’un qui n’a jamais offensé.
Pensez vous qu’étant pécheur, il faut nécessairement que vous soyez perdu ?
Au contraire, c’est là le motif de votre salut.
Si vous convenez que vous êtes un transgresseur, je voudrais vous faire comprendre que c’est à des transgresseurs comme vous que la grâce est destinée.
Un Chrétien a été jusqu’à dire :
Le pécheur est chose sacrée ;
L’esprit de Dieu l’a fait ainsi.
Il en est véritablement ainsi :
Jésus cherche et sauve ce qui est perdu. Par Sa mort. Il fit une expiation réelle pour de véritables pécheurs.
Jamais, ni semaine ni dimanche, le palais de la Grâce ne ferme ses portes pour ceux là.
Ce n’est pas pour des péchés imaginaires que le Seigneur Jésus a donné sa vie, mais le sang de son cœur a été répandu pour laver des tâches rouges comme le cramoisi, que rien d’autre n’aurait effacées.
Celui qui croit être un pécheur hideux est précisément celui que Jésus veut purifier.
Un prédicateur de l’Evangile prit un jour ce texte :
« Déjà la cognée est mise à la racine des arbres » (Matthieu 3-10)
L’impression produite sur ses auditeurs fut telle que l’un d’eux lui dit :
« A vous entendre on aurait pu penser que vous vous adressiez à des criminels. Votre sermon aurait mieux été à sa place dans une prison ! ».
« Oh ! Non, fut la réponse, si j’avais à prêcher dans une prison, ce n’est pas ce texte là que je prendrais, mais bien plutôt celui ci : C’est une parole certaine et entièrement digne d’être reçue, que Jésus Christ est venu dans le monde pour sauver des pécheurs (1 Timothée 1-15). »
C’est cela.
La loi est pour le propre juste afin d’humilier son orgueil ; l’Evangile est pour celui qui se sent perdu afin de le délivrer du désespoir.
Vous qui n’êtes pas perdu, qu’avez vous à faire d’un Sauveur ?
Le berger cherche-t-il les brebis qui ne sont jamais égarées ?
Pouvez vous supposer que la femme de la parabole eut balayé sa maison pour se mettre à la recherche des pièces d’argent qui ne seraient jamais sorties de sa poche ?
Cela va sans dire : le remède est pour les malades, la vie pour les morts, le pardon pour les coupables, la liberté pour les captifs, la vue pour les aveugles.
Si les hommes ne sont pas coupables et dignes de la damnation, le Sauveur, sa mort sur la croix et la Bonne Nouvelle du pardon demeurent inexplicables.
La raison d’être de l’Evangile, c’est le pécheur.
Vous, à qui cette parole est adressée, si vous êtes sans mérite, indigne, bon seulement pour l’enfer, vous êtes exactement l’homme auquel l’Evangile est destiné, pour lequel il a été préparé et proclamé :
Dieu justifie l’impie.
Quelques claires que puissent être mes paroles, seul le Seigneur peut les rendre évidentes.
Au premier abord, un homme intelligent peut trouver étonnant que le salut lui soit offert en sa qualité de coupable et de perdu.
Il lui semble plus nature de penser que ce salut s’obtient par la repentance, sans prendre garde au fait que la repentance fait partie du salut.
« Mais, objecte il, je dois devenir ceci, il me faut être cela ! »
C’est vrai, et il sera ceci et cela comme conséquence de son salut ; mais le salut lui est offert avant qu’il puisse produire aucun des fruits qui en résultent.
En fait, il lui est offert au moment où il ne mérite que cette épithète vile, abominable et méprisable :
Impie.
Il n’est que cela quand l’Evangile de Dieu se présente à lui pour le justifier.
C’est pourquoi je prie instamment tous ceux qui ont mauvaise opinion d’eux mêmes, tous ceux qui craignent de ne pas avoir même un seul bon sentiment ou quoi que ce soit qui puisse leur mériter la faveur de Dieu, je les supplie de croire fermement que le Dieu de toute grâce peut et veut les prendre à Lui sans aucun mérite quelconque, et les pardonner instantanément non parce qu’ils sont bons, mais parce qu’Il est bon.
Ne fait Il pas resplendir Son soleil sur les méchants aussi bien que sur les justes ?
N’est ce pas Lui qui dispense les saisons fertiles, et qui au moment propice envoie la chaleur et les ondées aux nations les plus dépravées ?
Oui, Sodome elle même a son soleil, et Gomorrhe a sa rosée !
L’incommensurable Grâce de Dieu surpasse ma conception et la vôtre ; je voudrais que votre pensée fût rendue capable de s’élever à Sa hauteur.
Comme les cieux sont élevés au dessus de la terre, de même les pensées de Dieu s’élèvent au dessus de nos pensées.
Il pardonne abondamment.
Jésus Christ est venue dans le monde pour sauver les pécheurs : le pardon est pour les coupables.
N’essayez pas de vous émouvoir vous même et de vous changer par vos émotions ; mais tel que vous êtes, venez à Celui qui justifie l’impie.
Il exista un grand artiste ayant commencé à peindre un groupe d’habitants de la ville dans laquelle il séjournait, désira dans le but d’en perpétuer le souvenir, faire figurer dans son tableau certains individus bien connus de chacun.
Un balayeur de rues, tout en loques, était connu de la ville entière et avait sa place dans le tableau.
L’artiste dit à cet homme :
« Si vous voulez bien venir à mon atelier pour y poser, je vous paierai largement. »
L’homme ne manqua pas d’arriver dans la matinée ; mais l’artiste le mit aussitôt à la porte, car après s’être débarbouillé et peigné, il avait endossé un costume des plus élégants.
On avait besoin de lui en sa qualité de gueux et il n’avait pas été invité à un autre titre.
De même vous serez reçu dans le royaume de Dieu si vous y venez comme pécheur et uniquement comme pécheur.
Il ne s’agit pas d’attendre que vous soyez réformé, mais de venir pour être sauvé.
Dieu justifie l’impie.
Il vous révèle tel que vous êtes.
Il vous accueille même dans l’état moral le plus bas.
Venez en déshabillé.
Cela signifie : Venez à votre Père Céleste avec toutes vos transgressions, et avec votre nature portée au mal.
Allez à Jésus exactement tel que vous êtes : lépreux, souillé, honteux, indigne de la vie et redoutant la mort.
Allez à Lui, vous qui vous sentez comme les balayures de la création ; allez, vous qui n’espérez que la mort, vous que le désespoir écrase, comprimant votre cœur sous l’oppression d’un horrible cauchemar.
Allez à Lui en disant :
« Seigneur ! Justifie un autre impie. »
Pourquoi ne le ferait Il pas ?
Et s’Il le faisait pour un autre, pourquoi pas vous ?
N’est ce pas à des êtres tels que vous que Dieu se propose de faire Grâce ?
Je me suis exprimé dans le langage du texte biblique, et il m’est impossible de vous en faire l’application avec plus d’énergie.
Le Dieu Eternel se désigna ainsi :
« Celui qui justifie l’impie ».
Ceux qui sont injustes naturellement, Il les rend justes, et Il les transforme au point qu’ils peuvent être regardés comme tels.
Ce fait extraordinaire ne vous concerne-t-il pas ?
Je vous en supplie, ne vous donnez aucun repos jusqu’à ce que vous l’ayez considéré à fond.
Amen,
Charles Haddon Spurgeon,
Pasteur Baptiste Réformé