LA PECCADILLE D'ADAM
ParAdolphe Monod,
(Dernière Partie)
Les Vertus du légalisme et de la suffisance
« O Dieu ! je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, ravisseurs, injustes, adultères, ni même cet homme ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède. » (Luc XVIII, 11, 12.)
Quand les élèves du collège de Nantes invités par leurs maîtres, à décerner à l'un d'entre eux le prix de vertu, couronnaient, après sept ans d'épreuve, le jeune Robespierre, savait-on ce qu'il ferait un jour ?
Le savait-il lui-même ?
Mais voici un exemple qui se rapporte plus directement à notre sujet.
De nombreux pharisiens disaient aussi : « Si nous avions été du « temps de nos pères, nous n'aurions pas participé au « meurtre des prophètes ; » et à quelques jours de là, tous ceux là crucifiaient le prophète des prophètes, le Fils de Dieu !
Ce sont là des faits, mes chers frères et soeurs; et l'on ne peut pas rejeter des faits. *
Mais le résultat auquel nous venons d'arriver vous étonne à tel point que vous avez peine à en croire vos yeux.
Qu'y a-t-il donc dans les vertus de l'honnête homme selon le monde, qu'y a-t-il dans les vôtres qui les rende capables de s'allier au péché, au vice, au crime, et qui leur ôte tout mérite devant Dieu ?
Le voici, mes chers frères et je réclame ici toute votre attention : c'est que l'amour de Dieu n'est pas le principe et l'âme de ces vertus.
Nous disions tantôt que la seule vertu véritable est celle qui procède d'un coeur bon ; faisons un pas de plus, et reconnaissons qu'il n'y a de coeur vraiment bon que celui qui aime Dieu ; or on ne l'aime que lorsqu'on a cru en Jésus-Christ.
Celui qui fait le bien pour le monde a droit aux applaudissements du monde ; celui qui le fait pour la conscience a droit à l'approbation de sa conscience ; mais celui-là seul qui le fait pour Dieu a droit à la faveur de Dieu.
Voilà ce que l'honnête homme ne comprend pas, et c'est ce qui corrompt à leur source toutes ses vertus.
En oubliant d'aimer Dieu, il a oublié non-seulement « le premier et le « plus grand commandement, » mais encore celui « duquel dépendent toute la loi et les prophètes, » et sans l'observation duquel tout le reste n'est que comme un corps sans âme.
Car Dieu étant notre Créateur, et le principe de toutes les relations que nous soutenons avec les créatures, ainsi que de toutes les obligations qui en résultent, lui ôter la première place, c'est tout confondre, tout bouleverser.
Sans l'amour de Dieu dans le coeur, les plus belles vertus ressemblent à ces fruits parés de belles couleurs, mais dont un petit ver dévore l'intérieur. **
Fidèle à l'esprit de ce discours, je voudrais vous montrer la vérité comme à l'oeil plutôt que la prouver par de longs raisonnements, j'en appelle à une comparaison, ou, si vous voulez, à une parabole.
Celui qui remplit les devoirs de la vie, sans mettre Dieu au centre de tout, ressemble à un homme dont je vais vous raconter l'histoire.
Uni à une femme qu'il a rendue mère, mais lassé de son amour et consumé d'une flamme adultère, il fuit loin de sa famille avec la complice de son crime, et va cacher sous un ciel étranger sa honte avec ses plaisirs, là il comble cette femme des marques de son attachement et prodigue les plus tendres soins aux enfants qu'elle lui a donné.
Ses nouveaux amis, qui n'ont pas connu son histoire, le citent comme le modèle des maris et des pères.
Mais vous qui la connaissez, que pensez-vous de cette affection conjugale et de cette affection paternelle qui laissent languir dans l'abandon sa femme et ses enfants légitimes ?
N'est-elle pas vicieuse dans son principe ?
Et n'est-il pas vrai qu'il ne faut, pour mettre à néant toutes les vertus de ce chef de famille, que produire l'acte qui révèle son premier, son véritable engagement ?
Eh bien, voilà votre honteuse image à vous qui dites : Je remplis mes devoirs de fils, de père, de citoyen, sans songer à votre premier devoir de chrétien, pour ne pas dire de créature ; et pour mettre à néant toutes vos vertus.
Pour les convaincre de vanité et de mensonge, il ne faut que montrer ce commandement du Dieu qui a fait le ciel et la terre : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de « tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée ; « voilà le premier et le plus grand commandement. »
Que si, non content de vous arrêter à cette vertu sans vie et sans réalité, vous oseriez vous en faire un titre pour vous justifier devant Dieu.
Et si vous dites, ce qu'on entend dire sans cesse : Je n'ai pas à redouter la condamnation de Dieu, parce que je suis un honnête homme, qui satisfait à toutes ses obligations et qui ne font de tort à personne, - oh !
Alors ce n'est pas assez de dire que cette vertu est nulle : elle devient ce que l'Écriture appelle « la justice propre, » qui est le pire de tous les péchés.
Il n'y a pas, aux yeux de Dieu, de plus détestable péché que l'orgueil, ni d'orgueil plus insupportable que celui d'une créature pécheresse qui pense trouver en elle-même de quoi lui mériter la faveur de Dieu.
Honnêtes gens du monde qui vous complaisez en vous-mêmes, je n'hésite pas à vous le déclarer : la condition d'une pauvre Marie-Magdeleine qui pleure aux pieds du Seigneur, ou d'un pauvre brigand crucifié qui dit : « Seigneur, souviens-toi de moi quand « tu viendras en ton règne, » vaut mieux que la vôtre.
Il y a plus de ressource, il y a plus de lumière, il y a plus de vertu véritable chez cette femme enveloppée de honte et chez ce meurtrier couvert de sang, mais qui ont appris du moins à se connaître et à s'écrier : « Mon Dieu, sois apaisé envers moi pécheur ! » que chez vous, qui passez aux yeux du monde et aux vôtres pour un homme sans reproche, peut-être pour un homme vertueux, mais qui ne comprenez, ni la volonté de Dieu ni l'état de votre coeur, et qui venez étaler avec complaisance devant nos regards, les haillons impurs de votre propre justice.
La pécheresse et le meurtrier pénitents rendent du moins hommage à la Sainte Loi de Dieu, par l'amertume de leur repentir et par leur résolution arrêtée d'entrer dans une voie nouvelle.
Mais vous, qui ne songez ni à déplorer le passé ni à rien changer pour l'avenir, vous méconnaissez cette loi, vous la traitez comme si elle n'était pas, vous la foulez aux pieds.
Ah ! Ce n'est pas moi qui vous condamne, c'est Jésus-Christ.
Jésus-Christ, qui disait aux pharisiens, à ces honnêtes gens de Jérusalem : « Vous vous justifiez vous-mêmes devant les hommes, mais Dieu connaît vos coeurs ; car ce qui est grand devant les hommes est une abomination devant Dieu (Luc 16/15) ; »
Jésus-Christ, qui nous montre l'humble publicain de notre parabole justifié préférablement au pharisien superbe, et qui élève la pécheresse pleurant à ses pieds au-dessus de l'irréprochable Simon ; Jésus-Christ, qui déclare « qu'Il est venu pour des pécheurs, non pour des justes, » et « qu'il y a plus de « joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin « de repentance (Luc 15/7) ; »
Jésus-Christ, enfin qui accueille avec une compassion si tendre « les péagers et les pécheurs » altérés de pardon et de grâce, et qui ne s'écarte de Sa douceur ordinaire que pour foudroyer l'orgueil des pharisiens.
Eh ! Quels autres a-t-Il jamais, sinon à ceux dont la justification ne se faisait que par leur ego sans Dieu, appelés « hypocrites, sépulcres blanchis, fous et aveugles, race de vipères, serpents, fils de la géhenne, » qui semblent ne pouvoir « échapper à la colère à venir ? »
Mais ce n'est pas pour vous troubler que je suis monté dans cette chaire, c'est pour vous sauver.
Ah ! Si vous avez commencé d'apercevoir, et le crime de vos péchés, et le crime plus grand de votre justice propre, n'endurcissez point vos coeurs !
Non, n'endurcissez point vos coeurs ! Si un pauvre pécheur comme moi a pu vous faire entrevoir les terreurs du jugement à venir, que sera-ce quand vous comparaîtrez devant ce Dieu « dont les yeux sont trop purs pour voir le mal ? »
Que ferez-vous quand celui qui sonde les coeurs fouillera dans les replis du vôtre, et recherchera le fond de vos péchés et de vos vertus, à la lumière de Sa Sainte et Redoutable Loi ?
Que ferez-vous alors ? Mais plutôt que voulez-vous faire aujourd'hui ? Car alors il sera trop tard ; mais aujourd'hui vous avez un Sauveur.
Oui, un Sauveur ! Et un Sauveur qui sauve en vérité quiconque ne veut être sauvé que par Lui seul !
Non pas un Sauveur qui nous apporte une doctrine de Salut, mais qui la confirme par son martyre, mais un Sauveur qui est lui-même « notre propitiation, » et qui « nous purifie de tout péché ; ».
Non pas un Sauveur qui achève de conduire au ciel ceux qui ont fait la moitié du chemin sans Lui, mais un Sauveur qui a tout souffert et tout accompli pour nous, et qui nous a « pré-connus, prédestinés, appelés, justifiés, glorifiés (Rom 8/28-29) ; »
Non pas un Sauveur qui nous laisse toute notre vie incertains de ce qui doit suivre la mort, mais un Sauveur qui nous garde, qui prie pour nous, qui accomplit tout en tous, « de qui, par qui et pour qui « sont toutes choses ! » (Rom 11/36).
Ah, et quel autre sauveur pourrait suffire à des misérables tels que nous ?
Quel titre pourrions-nous présenter hors de lui ? Quelle condition remplir ? Quelle faveur mériter ?
Et que nous reste-t-il enfin que d'être blanchis dans Ton Sang, enveloppés dans Ta Justice, scellés de Ton Esprit, marqués de Ton Nom, trouvés en Toi, « Agneau de Dieu qui ôtes le péché du monde ? »
Ne voulez-vous pas venir à Lui pour avoir la Vie ?
Ne voulez-vous pas ouvrir à Celui qui vous dit avec tant de douceur :
« Je me tiens à la porte et Je frappe ; « si quelqu'un entend Ma Voix et M'ouvre la porte, J'entrerai chez lui, et Je souperai avec lui, et lui avec Moi ? » (Apoc 3/20).
Ne voulez-vous pas échanger votre espérance illusoire contre la promesse du Dieu qui ne peut mentir, « les linges souillés de votre justice » contre la justice du « Saint des saints, » votre vie de péché contre le service glorieux de Jésus-Christ, et la colère à venir contre les plaisirs éternels ?
Ne voulez-vous pas vous séparer de la prière présomptueuse du pharisien « Je te rends grâces de ce que je ne suis pas « comme le reste des hommes, ni même aussi comme « ce péager, » et vous allez mettre à genoux à côté du pauvre péager pour vous associer à son humble, à sa bienheureuse prière « Mon Dieu, sois apaisé envers « moi pécheur ? »
Anges du ciel, qui assistez à notre lecture et qui en portez les nouvelles à l'Église d'en haut, que lui direz vous de notre lecture de ce jour ?
Pourrez-vous dire qu'elle a fait passer une âme « de la mort à la vie et « de la puissance de Satan à Dieu ? »
Oui, Dieu, votre Dieu et notre Dieu, est fidèle !
Il a donné gloire à Sa Parole !
Cherchez, et vous trouverez dans quelque coin un pécheur qui s'humilie, qui pleure et qui prie.
Portez une de ses larmes au Ciel, et chantez sur lui les cantiques de l'enfant prodigue :
« II était mort et il est ressuscité, il était perdu et il est « retrouvé, » tandis que nous vous répondrons sur la terre par le cantique que vous nous apprîtes au-dessus des plaines de Bethléhem :
« Gloire soit à Dieu au « plus haut des cieux ! Paix sur la terre ! Bonne volonté envers les hommes ! »
Amen.
Adophe Monod,
Pasteur Protestant Réformé
* La vérité exprimée par Adolphe Monod n’a strictement rien à voir avec le crime de Déicide inventé par le catholicisme romain pour en cibler le Peuple Juif dans son ensemble, sans oublier toute la haine déjà présente chez les Romains, Grecs… (Même si la diaspora était déjà existante en ce temps là et ne connaissait pas encore ce qui se passait en Judée Samarie)
Tout cela fut un excellent terreau, vecteur et source d’antisémitisme et antisionisme depuis le début jusqu’à ce jour (Martin Luther King sur son appel au non juif antisioniste).
Beaucoup d’affirmations pro-palestiniennes et judéophobes, « chrétiens » ou autre arrivent à défendre et contester tout ce que Dieu a promis pour Israël (ex : Jésus devenant « Palestinien » (Qui n’existait pas encore dans son appellation), ou déposséder et éliminer ce qui appartient à Israël de la Promesse donnée par Dieu pour l’attribuer à un peuple imaginaire montée de toute pièce).
Loin d’exclure que tout homme a droit d’amour, de grâce et de pardon, il n’empêche cependant que cette réalité ne peut transformer ou dévier ce que Dieu a donné comme Héritage et Promesse.
On oublie généralement que tous les Pharisiens ne partageaient pas cela (Nicodème).
Nombres de femmes et d’hommes Juifs de ce temps là se lamentaient et se frappaient la poitrine de douleur lors de la montée du Christ à Géthsémané.
Afin d’éviter toute déviance due à l’actualité aujourd’hui, cette précision n’enlève en rien ce qu’Adolphe Monod partage avec sérieux, mais place la justesse et vérité de l’homme irrégénéré face à ce que Dieu dénonce, condamne et aspire tant envers chacun(e) de celles et ceux qu’Il appelle.
** Il ne sert à rien à un arbre de croître, de fleurir si, avec ses fleurs, il ne porte pas de fruits. Beaucoup, justement, périssent tout en fleurs.(Martin Luther)