« Vos billets ! » annonce le contrôleur du train en entrant la nuit dans les wagons pour examiner les billets des voyageurs.
L'histoire débute en début de ce siècle.
Il tient à la main une lampe brillante, dont il fait tomber la lumière sur chaque billet, afin que rien de faux n'échappe à son œil.
Son but n'est pas d'examiner la personne, les habits ou le bagage des voyageurs, mais simplement le billet qui a été délivré à chacun.
L'apparence et la position des voyageurs peuvent différer beaucoup, mais l'employé doit s'assurer seulement de la validité du droit que chacun a d'occuper une place dans le wagon.
C'est sur ce seul point qu'il dirige son attention et qu'il concentre toute la lumière que peut refléter sa lampe.
Arrive-t-il qu'un voyageur n'ait pas de billet, ou n'ait qu'un billet non en règle, celui-là redoute seul l'approche de la lampe brillante ; il cherche à en éviter les rayons ; il essaye de se blottir dans un coin, ou d'échapper d'une manière ou d'une autre à la redoutable investigation.
Mais c'est en vain ; la lumière éclaire tous les coins du wagon ; elle manifeste tout, et découvre l'imposture.
L'homme honnête, muni d'un billet en règle, ne fuit pas la lumière ; au contraire, il la recherche ; il jouit de son éclat ; car plus cet éclat est vif, plus son titre à être là où il est, est pleinement et promptement établi :
« Car quiconque fait des choses mauvaises hait la lumière, et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient reprises ; mais celui qui pratique la vérité vient à la lumière, afin qu'il soit manifesté que ses œuvres sont faites en Dieu. » (Jean III, 20, 21.)
Un titre faux ne peut pas supporter la lumière ; mais un titre vrai est manifesté par elle.
L'application morale de ce qui précède est aussi simple qu'instructive.
Il nous faut, pour subsister devant Dieu, un titre si clair et si sûr qu'il puisse supporter l'investigation la plus scrupuleuse de la lumière divine.
Car tout doit, tôt ou tard, être amené dans la présence de Dieu ; la lumière de Dieu doit luire sur le titre de chacun.
Il peut arriver que quelque voyageur échappe à l'examen du contrôleur malgré toute l'attention et les scrupuleuses recherches de celui-ci.
Mais quel homme échappera au regard puissant et pénétrant du Seigneur, de Celui dont les yeux sont comme une flamme de feu ? (Apocalypse I, 14.) Personne !…
Ne l’oublions jamais ; bientôt nous nous trouverons inévitablement devant Lui.
Examinons donc si nous sommes bien en règle devant Lui, et si nous ne craignons pas les rayons de cette lumière divine, dont la puissance pénétrante sonde et met en évidence tous les secrets replis du cœur.
Lorsque notre titre est bien en règle, nous ne craignons pas qu'il soit examiné.
Dieu n'admet comme vrai qu'un titre fondé « sur le sang de l'Agneau. »
C'est ce sang qui est le grand, le seul titre devant Lui, le titre qui suffit et répond à tout.
Il y a des gens qui comptent sur leur moralité, d'autres sur leur charité, d'autres sur leur religion, d'autres sur leurs expériences, d'autres sur leur appréciation ou leur réalisation des vérités divines, d'autres sur les circonstances remarquables de leur conversion ; mais aucune de ces choses ne suffît pour une âme devant Dieu.
Il faut laisser de côté tout cela, et recevoir Christ comme : notre seul titre ; alors tout est en règle.
Comme aux jours du déluge il n'y avait qu'un seul objet qu'on pût voir flottant sur l'immensité des eaux, c'est-à-dire l'arche, seul lieu de sécurité, ainsi, maintenant que ce monde est sous le jugement, le seul lieu de sécurité est en Christ.
Ce n'était pas l'arche, et quelque chose encore, mais l'arche seule ; ce n'est pas non plus Christ et quelque chose encore, mais Christ Seul qu'il nous faut.
Si, dans le coin le plus caché de notre cœur, nous ajoutons à Christ quelque chose, ne fût-ce qu'une plume, il faut nous défaire de cette plume avant de pouvoir goûter la véritable paix de l'Évangile.
Il faut renverser le plateau de la balance, et en ôter même la poussière de notre propre justice, et il faut y mettre Christ, et Christ Seul, à la place de tout.
Alors, nous aurons la paix, une paix stable, une paix profonde, une paix éternelle, une paix que rien ne pourra troubler.
Pourquoi tant de gens ne possèdent-ils pas cette paix ?
Parce qu'ils n'ont pas encore su se débarrasser du moi et du monde, et faire de Christ leur tout.
Soyons-en sûr, c'est là le secret de l'état de ces âmes.
Christ ne peut-Il pas donner une vraie et stable paix ?
Certainement Il le peut, si l'on se fie à Lui.
Mais on ne se fie pas à Lui, tant qu'on ajoute à Christ quelque chose ou n'importe quoi d’autre.
Si un homme n'a pas la paix parfaite, c'est parce qu'il n'a pas accepté Christ seul comme sa paix ; car, assurément, Christ est une vraie et éternelle paix pour tous ceux qui le possèdent réellement.
Il est facile de faire profession qu'on le possède, et en même temps d'avoir le cœur rempli de trente-six autres choses ; et quand il en est ainsi, comment y aurait-il vraie paix ?
Impossible !
Noé aurait pu tout aussi bien croire qu'il était en sûreté avec un pied sur l'arche et l'autre sur quelque débris flottant !
Qu'on ne l'oublie pas, c'est de ce qui se passe dans le cœur que nous parlons, non pas d'un travail de l'intelligence, ni d'une profession de lèvres, ni d'une profession de foi.
Il s'agit d'avoir Christ dans le cœur, et rien que Christ.
C'est Christ qui est le véritable titre, le vrai repos pour une âme.
Tous ceux qui ont ce titre et ce repos n'ont ni nuages devant eux, ni tache sur eux.
Il n'y a point pour eux de crainte, ni de doutes, ni de pressentiments, point d'inquiétudes cachées, point de vagues espérances, point de vaines attentes.
Tout est aussi sûr et ferme que Christ lui-même.
Le cœur et la chair peuvent faillir ; la terre et tout ce qui lui appartient peuvent passer, mais Christ est un Rocher, et tous ceux qui bâtissent sur Lui ont part à son éternelle stabilité.
Que dirons nous maintenant à ces choses ?
Sommes nous prêt ?
Le billet va être contrôlé à la lumière de la lampe divine !
Le billet est-il bon ?
Est-ce que le cœur, le fond du cœur, est profondément et complètement assuré que tout est en ordre ?
Y a-t-il un seul doute quant à cette sécurité personnelle ?
Il faut être sincère !
Il faut expressément vider maintenant cette grande et radicale question.
S’il y a un seul doute, le moindre petit doute, c'est parce qu’il n’y pas tout à fait de fin avec soi même, et qu’il n’y a pas occupation de Christ.
Recevoir Christ comme le Seul et Unique titre devant Dieu, et alors le repos parfait se goûtera véritablement.
Des milliers d'hommes manquent en ceci.
Ils reçoivent la vérité superficiellement.
Ils ont une vue partielle de leur état de ruine et une vue partielle de Christ.
Ils sont alors appuyés, soutenus et poussés par des ordonnances, peut être même de réunions pieuses, par l'amour des formes religieuses, voire par des amis chrétiens, par quelque service actif, toutes choses qui peuvent être bonnes à leur place ; mais quand quelque épreuve survient, une maladie grave ou l'approche de la mort, l'âme est pleine d'effroi.
Elle se trouve dans des eaux profondes, submergée par les flots, dans une région d'obscurité et de tristesse, ou ni le soleil, ni les étoiles ne se montrent.
Alors parfois, enfin, elle est forcée de saisir Christ réellement comme son seul refuge, et elle trouve ainsi la paix et le repos.
De là, l'importance de bien commencer, de creuser profondément et de trouver Le Roc.
Beaucoup de chrétiens font un but de ce qui est le point de départ ; et, par conséquent, ils sont malheureusement superficiels et flottants pendant toute leur course.
De temps en temps, peut-être, quelques rayons de soleil percent l'obscurité dans laquelle ils se trouvent ; la lecture d'un bon traité d'appel, une bonne prédication de l'Évangile les ranime, et ils pensent qu'ils lisent distinctement leur droit à une place dans les cieux.
Mais bientôt ils ressentent les tourments et les assauts du péché qui est en nous., et ils commencent à douter qu'ils aient jamais été convertis ; ils pensent qu'ils se sont toujours trompés, et que finalement le feu éternel sera leur partage.
Tout cela vient de ce qu'ils n'en ont pas fini avec eux-mêmes, et qu'ils n'ont pas fait de Christ leur alpha et leur oméga en toutes choses.
Oui, il faut que Christ soit tout en toutes choses, non pas en une, ou en deux ou en trois choses, mais en toutes choses ; non pas à un point ou à un autre point de la route, mais tout le long du voyage.
Il faut que Christ soit tout, et le moi ? Rien.
Si cette vérité est bien comprise, toute femme, tout homme, quelle que soit sa position sociale, sa jeunesse ou avancement en âge n’étant pas encore en règle comprendra et réalisera pour lui-même ce que nous disent si simplement et si clairement pour notre plus grand profit la lampe et le billet.
Amen,
C.-H. M.,
1873