Jésus et la samaritaine ou réponse à une âme perdue
Par Ernest Dhombres (Pasteur Protestant)
2ème Partie
Or, il fallait qu'il passât par la Samarie. Il arriva donc à une ville de Samarie, nommée Sychar, près du champ que Jacob donna à Joseph son fils. Or, là était la source de Jacob. Jésus donc, fatigué du voyage, s'était ainsi assis près de la source ; c'était environ la sixième heure. Une femme de la Samarie vient pour puiser de l'eau. Jésus lui dit : Donne-moi à boire. Car ses disciples s'en étaient allés à la ville pour acheter des vivres. La femme samaritaine lui dit donc : Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi, qui suis une femme samaritaine ? (Car les Juifs n'ont point de relations avec les Samaritains.) Jésus répondit et lui dit : Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu l'aurais prié toi-même, et il t'aurait donné de l'eau vive. La femme lui dit : Seigneur, tu n'as point de vase pour puiser, et le puits est profond, d'où aurais-tu donc cette eau vive ? Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ? Jésus répondit et lui dit : Quiconque boit de cette eau-là aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau jaillissante jusqu'à la vie éternelle. La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau-là, afin que je n'aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour puiser. Jésus lui dit : Va, appelle ton mari, et viens ici. La femme répondit : Je n'ai point de mari. Jésus lui dit : Tu as bien dit : Je n'ai point de mari ; car tu as eu cinq maris ; et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari ; tu as dit vrai en cela. La femme lui dit : Seigneur, je vois que tu es un prophète ! Nos pères ont adoré sur cette montagne, et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. Jésus lui dit : Femme, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez point ; nous, nous adorons ce que nous connaissons ; car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient, et elle est maintenant arrivée, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car aussi, ce sont de tels adorateurs que le Père cherche. Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. La femme lui dit : Je sais que le Messie (celui qui est appelé Christ) vient ; quand celui-là sera venu, il nous annoncera toutes choses. Jésus lui dit : Je le suis, moi, qui te parle. Et là-dessus, ses disciples arrivèrent, et ils s'étonnaient de ce qu'il parlait avec une femme ; néanmoins, aucun ne dit : Que lui demandes-tu ? ou : De quoi parles-tu avec elle ? La femme laissa donc sa cruche et s'en alla à la ville, et elle dit aux gens : Venez, voyez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait : ne serait-ce pas le Christ ? Ils sortirent de la ville, et ils venaient vers lui.
(Jean 4.5-29)
Voici les responsabilités enviées de la famille, et ce doux intérieur dont nous sommes le centre et l'âme.
Voici une profession modeste ou brillante dans laquelle nous allons faire l'application de nos forces et recueillir le fruit de nos travaux.
Voici l'entraînement des affaires, la fortune et ses perspectives, la vie publique et ses émotions tumultueuses mais attrayantes....
Cœur avide, es-tu désaltéré ?...
Mais qu'ai-je aperçu ?
Les nuages encore passent plus souvent sur certains fronts.
Le souci y grave ses empreintes et bientôt ses sillons ineffaçables.
Pas une de ces nouvelles sources de joie qui ne soit devenue, à plus d'un égard, une source de tristesse.
Famille, carrière, fortune, succès, vie privée, vie publique, tout avait réservé quelque mécompte, quelque déception...
Eh ! Que parlé-je de mécompte et de déception ?...
Un jour je te vois, mon frère, ma soeur, le front caché dans tes mains, sur le bord d'une tombe !...
Tu as connu quelqu'une des grandes épreuves d'ici-bas.
Ah ! Ce n'est point à ce moment que je t'adresserai cette question cruelle : Es-tu heureux ?...
Non, c'est au milieu même de la prospérité, au sein d'une position enviée, à l'heure de la faveur et du succès, que je constate je ne sais quelle lassitude qui parfois te saisit et t'accable.
Me trompé-je ?
Un jour tu as probablement dit de ton bonheur : est-cela ce que j'avais rêvé ?...
Montre-moi ta coupe et je t'y montrerai, avec un prédicateur moderne, une lie amère que tous les breuvages terrestres y ont successivement déposée en se retirant, et qui mêle une goutte empoisonnée à toutes tes jouissances.
Mais le temps fuit...
Cette vie qui t'a si peu donné commence à tarir.
Le fleuve se fait étroit entre ses rives décolorées.
Voici les premières, atteintes de l'âge, les premiers pressentiments du déclin.
Si du moins la vieillesse t'offrait un port tranquille, ce repos tant souhaité qui ressemble au soir d'un beau jour, et cette période recueillie dans laquelle l'homme, rassasié d'années, savoure d'une part ses souvenirs, et de l'autre ses espérances.
Mais hélas ! Pour beaucoup c’est là la vieillesse du rêve, et non celle de la réalité.
La réalité, la voici.
Tes souvenirs ?
Quelques-uns d'entre eux sont doux, plusieurs sont amers, plusieurs trempés de larmes ou accompagnés de la piqûre du remords.
Tes espérances ?
Pour ce monde, tu n'en as plus.
Pour l'autre, tu en as-peu, car tu n'as pas cultivé en ton âme ces plantes célestes, et de l'obscure éternité vers laquelle tu marches, il t'arrive bien plus de craintes que d'espérances.
Oui, tu crains pour toi qui n’est pas prêt(e) cette mort qui déjà semble prendre une première possession de ton corps usé, tu crains pour toi qui ne connais pas Dieu cet avenir pour lequel tu n'es pas prêt, tu crains ce Dieu qu'il faudra y rencontrer demain...
Ah ! Je n'ose plus te dire, tant tu me fais pitié : cœur avide, es-tu satisfait ?
Je te vois, toi parti si joyeuse, joyeux, si riche d'avenir, traînant tes derniers pas sur ton triste chemin, jusqu'à ce qu'un jour tu chancelles, tu tombes, laissant échapper de tes mains ta coupe épuisée qui se brise sur la pierre d'un sépulcre !
Mes frères et mes soeurs, est-ce là de la fiction, ou de l'histoire ?
L'histoire qui se passe chaque jour sous vos yeux ; l'histoire de nos voisins, de nos amis, l'histoire qui est déjà la vôtre peut être et qui le sera peut-être encore jusqu'au bout ?
Et cette histoire, n'est-elle pas le commentaire frappant, saisissant de réalité, de cette parole de Jésus :
Quiconque boira de cette eau aura encore soif ?
Pour vous qui ne connaissez pas encore Dieu, pour vous qui ne connaissez pas encore cette Source Intarissable, oui, cette soif d'infini, de lumière, d'affection, de bonheur, qui était en vous, vous l'avez adressée non aux fontaines du ciel, mais aux sources inférieures de la terre, et vous n'avez fait que l'irriter par ces breuvages trompeurs.
Il en devait être ainsi ; vous avez méconnu votre nature, vous avez étouffé ses plus nobles aspirations ; elle se venge par sa tristesse, le dégoût, le vide, la souffrance sourde et incurable.
Il en devait être ainsi : ce n'est pas avec le borné, l'imparfait, le terrestre, qu'on satisfait d'infinis besoins, ce n'est pas avec les choses d'ici-bas qu'on peut remplir un cœur fait pour les choses d'en haut.
Ce n'est pas le monde, non pas même le monde entier qui peut apaiser en vous la soif de Dieu !
Ah ! Si du moins vous vouliez le reconnaître et vous l'avouer à vous-même, et présenter enfin à Jésus-Christ ce cœur que le monde a déçu et flétri !
Il viendrait à vous, cet Ami que toute douleur appelle, Il s'assiérait à vos côtés, et attachant sur vous ce « regard qui est la délivrance, » Il vous dirait comme à la femme de Samarie :
« Si tu connaissais le don de Dieu et qui est Celui que te dit : donne-moi à boire, tu Lui en aurais demandé toi-même et il t'eût donné de l'eau vive. Celui qui boira de cette eau aura encore soif, mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais soif. »
Mais non, cette soif spirituelle, qu'éprouve dans ses profondeurs toute âme d'homme, plusieurs, comme la Samaritaine, travaillent à l'étouffer (et ils n'y réussissent que trop) sous la vie de la chair, comme s'ils avaient à cœur de réaliser ce lugubre tableau de Bossuet :
« Plus de raison, ni de partie haute : tout est corps, tout est sens, tout est abruti et entièrement à terre. »
D'autres sentent la blessure, mais ils jettent sur elle un manteau d'orgueil, plutôt que d'aller, humbles et contrits, la dévoiler au Médecin Céleste.
D'autres souffrent et avouent leur souffrance, mais ils sont découragés et restent dans une langueur fatale, pareils à ces malades indifférents à tout remède, et bientôt au mal lui-même.
D'autres enfin, et c'est le plus grand nombre, cherchent à échapper à l'universel malaise par la distraction, par l'étourdissement, par le tourbillon des affaires ou des plaisirs, ou par ce lâche accommodement aux imperfections de la vie qu'on appelle quelquefois dans ce monde ...la raison et la sagesse....
Oh certes, dans une certaine mesure oui, mais sur la définitive, pour où et pour quoi ?...
Ô Dieu ! Délivre-nous d'une telle raison !
Ô Dieu ! Aie pitié d'une telle sagesse !
Ô Dieu ! Réveille toute âme prise dans cette nasse, serait-ce au prix des plus grandes douleurs, et fais renaître en ces cœurs comme Tu as su le faire pour nous cette soif profonde et insatiable qui fut notre tourment, mais notre gloire ; l'aiguillon qui nous blessa et nous meurtrit, mais qui peut seul pousser dans Tes bras !
Suite & dernière partie
(Jésus et la samaritaine ou réponse à une âme perdue)