ADOLPHE MONOD (1802-1856)
Un Chrétien a dit de lui :
« Comme défenseur de la vérité qui est en Christ, il avait un cœur de lion; comme chrétien, il avait le cœur et la simplicité d’un petit enfant, un cœur d’agneau – si j’ose ainsi dire –, doux, bon, inoffensif et toujours débonnaire. Il unissait, dans son caractère chrétien, des qualités rarement associées: la mâle énergie de saint Paul et la douceur évangélique de saint Jean. »
Ce cœur de lion, ce cœur d’agneau est aussi un cœur de berger.
Adolphe Monod, l’un des grands prédicateurs du XIXe siècle, a toujours souhaité se consacrer davantage au côté pastoral de son ministère.
Toutefois, pour lui, la prédication est une obligation sacrée qui réclame le meilleur de lui-même.
On comprend mieux ainsi son cri d’angoisse :
« Ô croix de la prédication de la croix ! »
Des cris d’angoisse, Adolphe Monod en a poussé d’autres dans sa vie.
Comme bien des serviteurs de Dieu des plus fidèles, il a enduré de grandes luttes spirituelles au début de son ministère.
Les Monod forment une famille internationale.
Né au Danemark, élevé en France, Adolphe fait ses études en Suisse, le pays natal de sa famille.
Ainsi, il écrit :
« J’ai trois patries, c’est-à-dire que je n’en ai point. Je suis Adolphe sans patrie. »
Son grand-père, Gaspard-Joël Monod, a été pasteur à Genève et en Guadeloupe.
Le père d’Adolphe, Jean Monod, fait la connaissance de sa femme, Louise, à Copenhague, où il a servi plus tard comme pasteur pendant la jeunesse de ses enfants.
Aldolphe-Louis-Frédéric-Théodore, leur sixième enfant, naît le 21 janvier 1802.
Après la naissance de deux autres enfants, la famille déménage à Paris en 1808, où elle s’agrandit encore et comprend au total huit fils et quatre filles.
La famille Monod, bien que nombreuse, n’en est pas moins fortement liée.
Malgré ses responsabilités importantes, Jean dirige les études de ses fils – quatre deviennent, comme lui, pasteurs – avec le concours de précepteurs et de cours dans deux des collèges de Paris.
De son côté, Louise entretient des relations proches avec chacun de ses enfants; et, pendant bien des années, ses fils communiquent fidèlement avec elle, lui décrivant leurs luttes autant que leurs succès.
Bien qu’Adolphe Monod appartienne à une famille de ministres protestants, sa naissance à la foi n’en est pas pour autant facile.
Il endure des luttes longues et pénibles avant de comprendre le message et la puissance de l’Evangile et d’embrasser la foi évangélique qu’il pressentait, depuis longtemps, être vraie.
Appelé au ministère à l’âge de quatorze ans, il n’a jamais douté de sa vocation, même durant ses crises spirituelles.
Comme ses frères, Adolphe Monod fait ses études de théologie à Genève, où des parents l’accueillent.
L’aîné, Frédéric, y trouve une foi vibrante grâce à la réalité chrétienne existante en son temps, servant longtemps de guide et d’exemple à ses frères cadets.
Mais, au moment où Adolphe et son frère Guillaume arrivent à Genève en 1820, Frédéric est déjà parti, de même que Robert Haldane, l’Ecossais, qui a joué un rôle important dans le développement de sa foi.
La première vague du Réveil a aussi reculé, et Adolphe est, par conséquent, « entraîné à tout vent de doctrine » (Ep 4.14), errant dans un désert spirituel.
Il n’est pas question pour lui d’abandonner la foi chrétienne, mais d’y trouver sa place et – plus important encore – de trouver sa place en Christ.
Son « voyage » dure sept longues années.
Toujours consciencieux, minutieux et soucieux d’excellence, Adolphe Monod est satisfait de pouvoir étudier les questions concernant sa foi afin d’éviter de s’égarer.
C’est alors qu’un autre Ecossais, Thomas Erskine, arrive à Genève et y a un puissant témoignage de la présence même de Dieu.
L’intérêt d’Adolphe Monod est avivé par cette rencontre qui lui fait sentir la puissance et la vérité de l'Evangile, mais ne lui permet pas de les saisir pour lui-même.
Sa frustration augmente.
Adolphe Monod reste cependant certain de son appel au ministère, et il accepte d’être consacré à la fin de ses études en 1824.
Selon l’usage de l’époque, il n’accepte pas tout de suite un poste pastoral mais poursuit ses études à Paris, tout en espérant trouver la clarté.
Il s’applique surtout à une étude approfondie des Ecritures mais, malgré ses efforts et son respect de la réalité Chrétienne, sa lutte spirituelle continue.
Voyageant en Italie en 1826, Adolphe Monod y trouve des protestants francophones dépourvus d’Eglise, de pasteur et de culte.
Il les rassemble et devient leur pasteur intérimaire.
Sa lutte spirituelle se transforme alors en crise.
Prêcher un Evangile qu’il ne croit pas véritablement – malgré son désir ardent – suscite en lui des orages qui le conduisent successivement à intensifier, puis à abandonner sa recherche de la clarté.
Il pense souvent à quitter son poste.
Dans l’incapacité d’abandonner cette jeune Eglise sans la venue d’un autre pasteur et convaincu que lui faire part de ses doutes lui serait funeste, il écrit à son cousin :
« Je pris le parti – pénible à ma franchise, mais nécessaire – de prêcher ce que l’Evangile enseigne, sans considérer si je le croyais ou si je ne le croyais pas. »
Puis, au début de 1827, persuadé qu’il a perdu la foi, il est prêt à abandonner le ministère, mais des amis l’en dissuadent.
Les membres de la famille d’Adolphe Monod connaissent ses conflits intérieurs, et leur souci à son égard est profond, les poussant souvent à la prière.
Sa sœur aînée, Adèle Babut, vivant à Londres, souffre pour la troisième fois de la mort d’un enfant unique et bien chéri. Pourtant, en écrivant à son frère, son plus grand souci est pour lui :
"Qu’elles sont déchirantes ces angoisses par lesquelles je viens encore de passer! (…) J’ai pensé à toi (…) cher Adolphe. (…) Si ma fille, dans sa mort, pouvait te prêcher avec plus d’éloquence, avec plus de conviction, que tous ceux qui ont cherché jusqu’à présent à te faire du bien, ah ! je sens combien il serait vrai de dire que le jour de sa mort a mieux valu que le jour de sa naissance! (…) Adolphe, cher Adolphe, donne-lui ton cœur, aime-le pour le bien qu’il me fait, en attendant que tu l’aimes pour celui qu’il te fera à toi-même, quand tu iras à lui avec humilité et simplicité de cœur. "
Quelle famille étonnante !
De telles prières pouvaient-elles rester longtemps inexaucées ?
Au moment de l’apogée de sa crise, A. Monod reçoit, en Italie, la visite de Thomas Erskine, qui passe des jours entiers à parler avec lui :
"Je pressens et je vois dans M. Erskine et dans d’autres un bonheur, une paix, un ordre, une conviction que je n’ai point (…) La perfection de la créature ne peut consister que dans la relation avec le Créateur; et cependant, et c’est là le péché, j’ai été à moi-même mon centre jusqu’à ce moment (…) J’ai voulu me faire ma religion à moi-même, au lieu de la prendre de Dieu. Il n’y a qu’une influence extérieure qui puisse me changer. "
Enfin, le 21 juillet 1827, tout s’éclaire pour Adolphe Monod ; l’orage est passé.
On ignore, sur le plan humain, la cause de ce changement qu’il souhaitait depuis tant d’années, mais le temps de Dieu est arrivé.
Une paix profonde et véritable inonde son âme.
« C’est qu’auparavant j’étais sans Dieu et chargé moi-même de mon bonheur, et maintenant j’ai un Dieu qui s’en est chargé pour moi. Cela me suffit. »
Ou, comme il l’écrit simplement à son père :
« Je suis plus calme. »
Il est né de l’Esprit et, pour lui, une vie nouvelle intérieure commence – une vie qui croît pendant des années et dont la maturité est sensible dans Les Adieux.
L’épreuve de sa foi
Peu après, à l’âge de vingt-six ans, Adolphe Monod est appelé par la grande Eglise réformée de Lyon.
Comme sa foi nouvelle se développe et s’approfondit, sa prédication gagne en clarté et en puissance.
Il prêche avec assurance le dessein salvateur et les autres grandes vérités bibliques, ce qui le conduit, de temps en temps, à attaquer les injustices sociales de son époque.
Les résultats ?
Des chrétiens qui ont précédemment quitté l’Eglise établie y retournent mais, d’un autre côté, les membres du Consistoire s’opposent à lui.
D’abord, ils lui intiment l’ordre de ne plus prêcher le salut par grâce, ce qu’il refuse.
Puis ils lui demandent sa démission, ce qu’il refuse encore.
Enfin, ils limitent ses prédications et son ministère, tout en répandant des rumeurs et en faisant distribuer des pétitions en vue de convaincre le gouvernement de le destituer.
Survient alors la question de la sainte cène.
Le Consistoire sait déjà qu’Adophe Monod s’inquiétait de ce que l’Eglise de Lyon ne se conformait ni aux principes bibliques, ni aux règlements de l’Eglise réformée de France concernant l’admission à la cène.
Adolphe Monod s’exprime avec force et sans équivoque dans son sermon « Qui doit communier ? » :
« Pour moi, j’aimerais mieux poser sur une pierre le corps de Christ et jeter au vent le sang de Christ, que de les livrer à une bouche incrédule et profane ! »
Le courroux du Consistoire n’en est qu’augmenté.
Le Consistoire, sachant que c’est pour Adolphe Monod une affaire de conscience, lui fait obligation de prêcher et de présider la sainte cène le jour de Pentecôte.
Si celui-ci refuse, il aura matière à l’accuser devant le gouvernement.
Que faire ?
Adolphe Monod prononce son sermon et quitte le bâtiment sans distribuer les éléments.
Le jour suivant, le Consistoire vote sa destitution et le suspend de son ministère jusqu’à ce que le gouvernement ait prit sa décision.
Les trois ans qui s’écoulent sont pénibles et, finalement, en 1832, la décision est prise.
Adolphe Monod est destitué de son poste.
C’est la première fois que le gouvernement approuve la destitution d’un pasteur sans donner aucune raison – un précédent inquiétant pour tous les chrétiens de France.
Mais la foi d’Adolphe Monod tient ferme.
Après avoir refusé un poste à la nouvelle Ecole de théologie de Genève, il accepte de devenir pasteur d’un groupe d’environ soixante-dix personnes, pour la plupart assez pauvres, qui, elles, ont quitté l’Eglise réformée de Lyon.
Son frère aîné, Frédéric, l’y encourage.
« Les chrétiens de Lyon ne doivent pas être abandonnés. Il est d’une grande importance de montrer aux consistoires que s’ils peuvent chasser les pasteurs fidèles de l’Eglise nationale, ils ne peuvent pas chasser l’Evangile des localités où il a commencé d’être prêché. »
Encore une fois, Adolphe Monod est chargé de fonder une nouvelle Eglise, mais cette fois-ci il le fait avec une foi solide et éprouvée, sachant que rappelé, il retournera quelques années plus tard à l'Eglie Réformée, prêchant notamment au Temple de l'Oratoire.