« Dieu les a tous renfermés dans la désobéissance,
pour faire miséricorde à tous ».
(Romains 11.32)
(Suite de La misère de l'homme (première partie) d'Adolphe Monod,)
Christ est venu ; Il a parlé de Dieu trois années et demie ; et tout ce qu’Il en a dit peut se résumer en cette seule parole : Dieu vous aime.
Puis, ce qu’Il avait proclamé dans Sa Vie, Il l’a montré par Sa Mort ; et Il a dit sur la croix non plus seulement :
Dieu vous aime,
mais :
Voyez combien Dieu vous aime !
Car quel amour égale celui que Dieu a fait paraître pour nous dans le sacrifice de Son Fils !
Quand je veux m’en faire quelque idée, je me figure d’abord un pauvre pécheur tel que moi marchant vers le tribunal de Dieu ; repassant dans sa mémoire les péchés de sa vie, et, dans cette petite portion qu’il en a pu retenir, découvrant matière à le condamner mille fois ; réfléchissant que, si « son cœur le condamne » ainsi, Dieu « qui est plus grand que son cœur » 1 Jean 3.20, le condamne bien plus sévèrement encore, parce qu’Il aperçoit en lui tout le mal que lui-même n’y voit pas et se souvient de tout celui que lui-même oublie ; écoutant gronder à son oreille ces avertissements redoutables de l’Écriture, jugements anticipés d’une Justice Eternelle qui prononce malédiction sur le transgresseur de la loi (Galates 3.10), et qui tient pour transgresseur de toute la loi celui qui en a violé un seul commandement (Jc 2.10) enfoncé dans ces réflexions, plein de remords sur le passé, plein d’inquiétude sur l’avenir, et cependant forcé de marcher toujours, dans un désespoir qui croît à chaque pas ; arrivant en présence du Saint des Saints, lui pécheur des pécheurs ; et dans Son Juge, sur lequel il n’ose lever les yeux, et dont il attend dans un morne silence une sentence atterrante, trouvant un Père qui lui dit : « Mon enfant, va en paix, tes péchés te sont pardonnés. »
Si par ce seul mot son existence est changée ; si un poids insupportable tombe de dessus son cœur ; si la paix et l’espérance rentrent, dirai-je ? Ou se précipitent dans son âme ; s’il lève sur Son Juge Paternel des yeux où l’on ne sait si la surprise ne l’emporte pas sur la joie, n’est-il pas vrai que la première parole qui sortira de sa bouche sera :
Quel Amour ! Mon Dieu, quel Amour !
– Eh bien ! Me dis-je alors, l’Amour que Dieu m’aurait témoigné dans cette supposition est pâle auprès de celui qu’il m’a témoigné par la mort de Son Fils.
Là, tout ce que Sa Miséricorde a de plus tendre est relevé par tout ce que Sa Sainteté a de plus Terrible.
Là, en même temps que je suis instruit qu’Il me fait grâce, je suis instruit aussi que Sa Loi est si Inflexible et mon péché si énorme, qu’Il n’a pas voulu faire Grâce sans faire Justice, qu’il a fallu que ma dette fût payée, et qu’Il a pu seul la payer pour moi.
Là, le Pardon est un sacrifice, où Son Amour pour le pécheur, déclaré par l’absolution du coupable, se mesure à Son Horreur pour le péché, déclarée par le sang versé.
Quel Amour ! Mon Dieu, quel Amour !
Et quelle est donc la victime qu’Il sacrifie ainsi pour moi ?
Est-ce un homme ? Non, dit l’Écriture.
Est-ce un ange ? Non, dit l’Écriture.
Est-ce une créature ? Non, dit l’Écriture.
C’est le Fils de Dieu, Son Fils Unique, en qui Il a mis toute Son Affection, qui a été dès le commencement avec Dieu, qui est Un avec Dieu, qui est Dieu . ( Mathieu 3.17 ; Jean 1.1-2 ; 3.16 ; 10.30) ; et Le Créateur Se donne pour la créature dans la personne de Son Fils.
Quel Amour ! Mon Dieu, quel Amour !
Mais enfin pourquoi tant d’amour ?
Y a-t-il quelque chose en moi qui ait pu le mériter ?
Ai-je seulement prévenu Son Amour par le mien ?
Non : « Il m’a aimé le Premier » 1 Jean 4.19
Le secret de Sa Miséricorde est tout Entier dans Sa Miséricorde elle-même ; Il ne fait Grâce que parce qu’Il se plaît à Faire Grâce ; Il ne me sauve que parce que j’étais perdu.
Quand j’étais « un enfant de rébellion et de colère, Son ennemi » (Ephésiens 2.3 ; Colossiens 1.21), c’est le temps qu’Il a choisi pour sacrifier Son Fils pour moi.
Quel Amour ! Mon Dieu, quel Amour !
Et cependant je ne vois que les bords de cet amour (Job 26.14).
C’est un abîme où je ne puis regarder jusqu’au fond (1 Pierre 1.12 ) ; mais cet abîme n’a pas d’enfoncement qui ne soit rempli par l’Amour de Dieu.
Dans ces bords que j’en vois, je découvre un Amour Divin qui va le plus loin que mon imagination puisse aller ; et dans ce fond que je ne vois pas, je pressens un Amour encore Divin qui confond, qui absorbe, qui anéantit toutes mes pensées ... « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a envoyé Son Fils Unique pour faire l’expiation des péchés du monde. – Dieu est Amour. – Celui qui ne L’aime point ne l’a point connu. » ( Jean 3.16 ; 1 Jean 2.2 ; 4.8-10 ; 1 Colossiens 8.3)
Mais moi qui L’ai connu, moi qui ai contemplé Le Christ, l’Amour du Père, comment pourrais-je ne pas L'aimer ?
« Racheté à si haut prix, je ne suis plus à moi-même » ( 1 Co 6.19s ), et je Lui donne tout mon cœur !
Par une si éclatante Manifestation de l’Amour de Dieu pour l’homme pécheur, JésusChrist aurait fait tout ce qui était nécessaire pour convertir l’homme pécheur à aimer Dieu, si cette manifestation trouvait dans l’homme pécheur un esprit ouvert pour la recevoir : mais elle ne l’y trouve pas.
Les Pensées Divines exprimées dans la Rédemption sont si éloignées de nos pensées humaines, qu’elles ne peuvent avoir aucune prise sur notre âme si elle n’a subi premièrement une préparation spéciale.
La démonstration est claire, irrésistible ; mais elle est faite dans un langage qui nous est étranger, en sorte qu’il faut pour la comprendre que nous recevions d’abord au dedans de nous un interprète de ce langage.
Aussi ce préparateur de notre esprit, cet interprète de la Rédemption nous est-il promis encore, sous le nom de Saint-Esprit.
Ne vous figurez pas en effet que la promesse du Saint-Esprit ne fût que pour les seuls apôtres : elle est pour tous les chrétiens de tous les temps.
Ce qui, dans les dons spirituels des apôtres, appartenait à la propagation rapide du christianisme, ce qu’ils recevaient pour les autres, ne nous est pas comme à eux nécessaire, ni comme à eux promis.
Mais ce qui, dans les dons spirituels des apôtres, appartenait à la conversion de leur propre cœur, ce qu’ils recevaient pour eux-mêmes, nous est comme à eux nécessaire, et comme à eux promis.
C’est devant tout un peuple que Jésus-Christ a dit :
« Dieu donnera le Saint-Esprit à quiconque le demande. » ( Luc 11.13 )
C’est dans des épîtres adressées à des églises entières que les apôtres ont écrit :
« Vous avez reçu l’onction du Saint » (1 Jean 2.20), c’est-à-dire du Saint-Esprit ; « votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous » (1 Co 6.19 ) ; si quelqu’un n’a « point l’Esprit de Christ, il n’est point à Lui. » (Romains 8.9)
Que si des affirmations si claires pouvaient vous laisser encore quelque doute, il ne vous en restera plus après cette déclaration par laquelle saint Pierre conclut son discours de la Pentecôte, et par laquelle il est visible qu’il veut prévenir dans l’esprit de ses auditeurs précisément la même erreur que je combats actuellement dans le vôtre :
« Vous recevrez la vertu du Saint-Esprit ; car la Promesse est faite à vous, et à vos enfants, et à tous ceux qui sont éloignés, autant que le Seigneur en appellera » (Actes 2,39)
Mes Frères et mes Soeurs, quand Dieu a parlé, ne contestons plus :
Le Saint-Esprit est promis à tous les Chrétiens.
Et savez-vous ce que c’est que le Saint-Esprit ?
Apprenons-le de la Bible.
Ecoutons-la sans incrédulité ; n’affaiblissons point le sens de ses expressions ; ne demandons pas plus, mais aussi n’attendons pas moins que Dieu ne nous a clairement promis.
Le Saint-Esprit n’est pas une réaction de notre esprit sur lui-même dans la méditation ou dans la prière.
Le Saint-Esprit n’est pas non plus une impression produite naturellement sur notre esprit par des pensées vraies ou salutaires.
Le Saint-Esprit, c’est une action directe, réelle, surnaturelle, exercée sur l’esprit de l’homme par un Dieu Maître de notre cœur aussi véritablement qu’Il l’est de la nature, et qui peut à Son gré nous donner et nous ôter des sentiments et des pensées.
Ou, pour nous tenir encore plus près des termes de l’Ecriture, le Saint-Esprit, c’est l’Esprit de Dieu pensant, voulant, aimant, agissant dans l’esprit de l’homme.
Le Saint-Esprit, c’est Dieu dans l’homme (1 Co 3.16) .
L’Ecriture attribue à cet Esprit plusieurs influences sur le nôtre, et en particulier celle dont nous avons tout à l’heure reconnu le besoin : Il l’ouvre à la manifestation de l’Amour de Dieu contenue dans la Rédemption.
Elle dit que « l’Esprit de Dieu répand dans nos cœurs l’Amour de Dieu », c’est-à-dire nous révèle, ou plutôt nous communique l’Amour qui est en Dieu pour nous ; que « cet Esprit rend témoignage au nôtre que nous sommes enfants de Dieu », réconciliés avec Lui par la mort de Son Fils ; en sorte que par cet Esprit, et par Lui Seul, nous pouvons recevoir Jésus-Christ pour le Seigneur (Romains 5.5 ; 8.16 ; 1 Co 12.3 ) , le Messie, notre Rédempteur.
Mais voici saint Paul qui traite directement de cette doctrine, en écrivant aux Corinthiens.
« Nous n’avons voulu savoir parmi vous, que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié … Ce sont des choses que a l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, et qui ne sont point montées dans le cœur de l’homme »
Vous voyez que l’Apôtre parle de la Rédemption, et qu’il déclare qu’elle ne trouve pas dans l’homme un esprit susceptible par lui-même de la recevoir.
« Mais maintenant, » ajoute-t-il, « Dieu nous les a révélées par son Esprit … Car nous avons reçu l’Esprit de Dieu, pour connaître les grâces que Dieu nous a faites. » ( 1 Co 2.2, 9, 10, 12)
Quand donc vous aurez reçu cet Esprit, vous pourrez croire la Rédemption et la "sentir".
Par là, entrant sous une vive impression de l’Amour de Dieu pour vous, votre cœur se tournera vers Lui comme de lui-même, et vous commencerez à l’Aimer à votre tour.
Alors surviendra en vous quelque chose de tout nouveau : des lumières nouvelles, des sentiments nouveaux, des goûts nouveaux, des souvenirs nouveaux, des espérances nouvelles, en un mot, comme dit l’Écriture, « une Vie Nouvelle ».
Alors, bien qu’ayant encore à lutter contre le péché, dit l’Écriture ( Jc 3.2 ; Pr 24.16 ; Ph 3.12s), vous ne serez plus esclaves du péché, dit cette même Écriture (1 Jean 3.9 ; 5.18) ; vous broncherez encore sur le chemin du Salut, mais vous ne suivrez plus le chemin de la perdition ; vous irez vous dépouillant de plus en plus « de toute apparence de mal ».
Alors enfin, vous serez de ceux que l’Écriture appelle « justes, convertis, régénérés, rachetés de Jésus Christ, enfants de Dieu », détachés de ce monde, mûrs pour l’autre, sachant vivre et pouvant mourir.
(Ez 36.26s ; Jean 14.17 ; 17.21 ; 1Jean 4.12s).
« Dieu demeure en nous. A ceci nous connaissons que nous demeurons en Lui, et Lui en nous, c’est qu’Il nous a donné de Son Esprit. »
Ainsi la Miséricorde Divine n’a rien laissé manquer pour le salut de l’homme pécheur.
Il faut à l’homme pécheur une double délivrance.
Coupable, il a besoin d’un pardon ; misérable, il a besoin d’un changement de cœur : Dieu lui offre l’un et l’autre en Jésus-Christ.
Il lui pardonne, en considération de Jésus-Christ, qui a souffert à sa place la peine due à ses péchés.
Il lui change le cœur, en lui manifestant Son Amour dans la Rédemption, qu’Il lui fait croire et sentir par le Saint-Esprit.
Mais pour entrer dans ce Plan de Miséricorde, n’avons-nous rien à faire de notre côté ?
Ou que faut-il enfin que nous fassions ?
Oui, nous avons quelque chose à faire.
Dieu, qui nous a créés sans nous, ne veut pas nous sauver sans nous (Saint Augustin )
A quiconque veut recevoir pour lui-même les deux grâces que Jésus-Christ apporte, le pardon et le changement du cœur, il faut une certaine disposition d’âme qui a le nom de foi : l’Écriture l’exige clairement, et n’exige qu’elle.
Sans en multiplier les preuves, il me suffira de vous rappeler deux grands traits, l’un du Ministère de Jésus-Christ, l’autre de celui des apôtres.
Quand Jésus-Christ était sollicité par des malades de leur accorder la guérison du corps, par laquelle Il figurait la guérison de l’âme, Il leur disait : « Crois-tu ? Si tu crois, tout est possible au croyant » ( Mc 9.23) ; et quand saint Paul fut interrogé par le geôlier de Philippes sur ce qu’il devait faire pour être sauvé, il lui répondit : « Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé. » (Actes 16.31)
Ainsi, si d’un côté vous ne pouvez être sauvés que « par la Grâce », de l’autre vous ne pouvez avoir part à cette Grâce que « par la foi » (Ephésiens 2.8 : « Vous avez été sauvés par la grâce, par la foi »).
Mais qu’est-ce donc que la foi ?
Apprenez-le encore de l’Écriture.
La foi y a deux significations, selon qu’elle est considérée dans son principe ou dans son application.
La foi considérée dans son principe, c’est la conviction générale que la Bible est la Parole de Dieu, en sorte que tout ce qu’elle dit est vrai : c’est la foi en Dieu.
La foi considérée dans son application, c’est la conviction spéciale qu’il est vrai, puisque Dieu l’a dit dans Sa Parole, que nous sommes perdus et que nous pouvons être sauvés par Jésus-Christ : c’est la foi en Jésus-Christ.
La seconde, la foi en Jésus-Christ, qui n’est au reste qu’une conséquence de la foi en Dieu, est celle qui est exigée par saint Paul du geôlier de Philippes, qui l’est aussi de nous, pour le salut.
Si vous voulez avoir de cette foi la notion la plus exacte en même temps et la plus simple possible, vous la trouverez dans ce mot d’un lépreux à Jésus-Christ :
« Seigneur, si tu le veux, tu peux me rendre net » (Lc 5.12 ; Mc 1.40-42 ).
Je suis perdu, je ne puis pas me sauver ; Tu peux me sauver, sauve-moi, Seigneur ! Voilà la foi.
Du jour que vous serez entrés dans cette disposition, il n’y aura plus rien dans les Promesses de l’Écriture que vous ne puissiez-vous appliquer personnellement ; et Jésus-Christ ne sera plus seulement le Sauveur, il sera Votre Sauveur. (...)
Suite la Miséricorde de Dieu (dernière partie)
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