(...)
Or, c’est la parole de la foi, que nous prêchons. Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé. Car en croyant du cœur on parvient à la justice, et en confessant de la bouche on parvient au salut, selon ce que dit l’Écriture: Quiconque croit en lui ne sera pas confus (10:8b-10).
Est-il utile de préciser que cet aspect déclaratif de la confession de foi qui servira de témoignage devant Dieu et ses anges, selon les paroles mêmes de Jésus (Matt. 10:32, Luc 12:8-9), est le test qui fut mis devant les chrétiens de l’Église primitive, tout comme devant les pro-testants de l’époque de la Réforme, au péril même de leur vie ?
En troisième lieu elle est à la fois personnelle et communautaire.
Homologein, c’est d’abord parler en conformité avec l’objet de la foi articulée, à savoir avec le Christ Fils du Dieu vivant, et ensuite le dire ensemble avec les autres croyants (l’Église) dans une unité de cœur, d’esprit et de parole.
C’est là un des fruits de l’exhortation que Paul adresse aux chrétiens de Rome :
Que le Dieu de la patience et de la consolation vous donne d’avoir une même pensée les uns à l’égard des autres selon le Christ Jésus, afin que d’un commun accord, d’une seule voix, vous glorifiiez le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ (Rom. 15:5-6).
Une exhortation similaire est adressée par le même Paul aux Corinthiens dans un contexte tendu, alors que cette unité leur fait justement défaut :
Je vous exhorte, frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ: tenez tous le même langage, qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous, mais soyez en plein accord dans la même pensée et dans la même opinion (1 Cor. 1:10).
Il est superflu d’ajouter que cette confession de foi communautaire trouve sa représentation concrète et inséparable dans le partage en commun au sein de l’Église (corps du Christ) des signes visibles accordés par le Christ lui-même, et rendus effectifs par son Esprit :
les sacrements du baptême et de la Cène, centrés sur son oeuvre rédemptrice.
En quatrième lieu elle revêt un caractère allianciel, en tant qu’elle forme un nœud indissociable avec la question initiée par le Christ Fils du Dieu vivant qui l’a suscitée comme réponse véridique.
La promesse de Jésus d’édifier son Église sur la pierre (petra) de cette confession (Matt. 16:18) indique qu’il ne s’agit pas d’une parole qui n’engage que celui qui l’a prononcée :
Dieu lui-même lie son action et la venue de son Royaume à ces paroles.
Cette promesse trouve son écho dans les paroles de Paul aux chrétiens d’Éphèse :
Vous avez été édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre de l’angle. En lui, tout l’édifice bien coordonné s’élève pour être un temple saint dans le Seigneur. En lui vous aussi, vous êtes édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu en Esprit (Éph. 2:20-22).
Il est clair que le socle, la véritable pierre sur laquelle s’élève tout l’édifice n’est pas celui à qui le Père a révélé la véritable identité de Jésus, mais Jésus-Christ lui-même, qui se lie à la confession véridique de son nom.
En revanche, celui à qui cela a été révélé (d’abord Pierre, puis les disciples et à leur suite tous ceux qui reprendront cette confession de bouche et de cœur) fait l’objet d’une béatitude, par excellence une bénédiction alliancielle :
Tu es heureux Simon, fils de Jonas (« makarios ei, Simôn Bariôna »).
En cinquième lieu, elle engage la vie tout entière des croyants, exigeant une conformité de leurs actes avec son contenu, à moins de n’être qu’une parole creuse qui sera finalement rejetée par celui-là même qui en est l’objet.
Dans le Sermon sur la montagne Jésus met solennellement en garde ses auditeurs afin qu’ils ne se méprennent pas sur ce point :
Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur! n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur ! N’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons chassé des démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité (Matt. 7:21-23).
En sixième lieu elle n’est pas sujette à des fluctuations et demande à être maintenue contre vents et marées, dans la persévérance de la foi, d’autant qu’elle est liée à une espérance qui repose sur les promesses divines.
Au cours des chapitres trois à dix de l’épître aux Hébreux, l’auteur a développé le thème de la prêtrise unique du seul sacrificateur qui compte désormais, celui qui s’est lui-même offert en victime expiatoire pour le pardon des péchés et l’accomplissement des exigences de la loi en vue de la justification des croyants.
Déjà au cours de cette section il a exhorté les croyants à tenir fermement leur confession de foi :
Puisque nous avons un grand souverain sacrificateur qui a traversé les cieux, Jésus le Fils de Dieu, tenons fermement la confession de notre foi. Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur incapable de compatir à nos faiblesses ; mais il a été tenté comme nous à tous égards, sans commettre de péché. Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, en vue d’un secours opportun (4:14-16).
Plus loin dans la même épître, la fermeté requise est de nouveau soulignée:
Confessons donc notre espérance sans fléchir, car celui qui a fait la promesse est fidèle (10:23-24).
Cette exhortation est encore répétée au chapitre 13:
Par lui [Jésus] offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom. Cependant, n’oubliez pas la bienfaisance et la libéralité, car c’est à de tels sacrifices que Dieu prend plaisir (13:15-16).
Une exhortation similaire est adressée par l’apôtre Paul à Timothée, dans un parallèle frappant entre la confession prononcée publiquement par ce même Timothée – à laquelle il est appelé par Paul à rester fidèle – et celle de Jésus devant Pilate :
Combats le bon combat de la foi, saisis la vie éternelle, à laquelle tu as été appelé, et pour laquelle tu as prononcé cette belle confession en présence d’un grand nombre de témoins. Je te le recommande, devant Dieu qui donne la vie à tous les êtres, et devant le Christ-Jésus qui a rendu témoignage par sa belle confession devant Ponce Pilate: garde le commandement sans tache, sans reproche, jusqu’à l’apparition de notre Seigneur Jésus-Christ (1 Tim. 6 :12-14).
En septième lieu, elle est de nature universelle, en accord avec son objet.
Au second chapitre de l’épître aux Colossiens, Paul contraste l’humiliation volontairement consentie par celui dont la condition était celle de Dieu (2:6), avec son élévation après sa mort sur la croix et sa résurrection d’entre les morts.
Il expose la conséquence de cette élévation :
C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père (2:9-11).
L’élévation du Christ en gloire appelle une confession de toute la Création, celle-là même que Jésus a ordonné à ses disciples d’aller requérir de toutes les nations (Matt. 28:18-20).
En huitième lieu, une confession de foi fidèle à celui qui la suscite est trinitaire, puisqu’elle reprend l’enseignement de tout ce qu’il a prescrit (Matt. 28:20) ce qui signifie le nom (singulier) du Père, du Fils et du Saint Esprit par lequel les disciples sont appelés à baptiser et enseigner les nations (20:19).
C’est du reste le cas de toutes les confessions des premiers siècles, ainsi que de toutes celles qui ont été mentionnées plus haut.
Ce point ne saurait être éludé sous le prétexte qu’une excroissance unitarienne (niant la Trinité) a bien fait son apparition au cours de l’histoire de la Réformation et demeure ici ou là présente sous la forme d’une croyance déiste – toujours suivant l’idéal des « Lumières » – et non d’une foi théiste (fondée en l’Écriture).
Lors de son discours prononcé au moment du dernier repas pris avec ses disciples avant son arrestation et sa crucifixion, Jésus exprime à plusieurs reprises non seulement le lien d’amour divin unissant le Père au Fils (Jean 17:20-26), mais il nomme la Personne du Saint Esprit le Consolateur, celui qui rappellera aux disciples après son départ tout ce qu’il leur aura enseigné :
Je vous ai parlé de cela pendant que je demeure auprès de vous. Mais le Consolateur, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom, c’est lui qui vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que moi je vous ai dit (Jean 14:26); Quand sera venu le Consolateur que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui provient du Père, il rendra témoignage de moi, et vous aussi, vous me rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement (15:26-27).
Rendre témoignage, est-il besoin de le répéter, c’est confesser sa foi publiquement, mais c’est tout autant le faire en accord avec le témoignage rendu par le Consolateur provenant du Père et envoyé par le Fils.
Quant à nier la personne du Fils, cela revient à se priver de celle du Père, les deux ne pouvant être séparées :
Celui-là est l’antichrist, qui nie le Père et le Fils. Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père ; celui qui confesse le Fils a aussi le Père (1 Jean 2:22b-23).
Dans la foulée du point précédent, une confession de foi conforme aux données de l’Écriture confesse l’Incarnation :
Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, est une personne historique venue dans la chair, ayant vécu sur terre, jugée et crucifiée sous le règne de César Tibère et lors du gouvernement de la province de Judée par le procurateur Ponce-Pilate.
Il ne s’agit ni d’un mythe habilement fabriqué par des âmes torturées par des questions religieuses insolubles (1 Pierre 1:16-17), ni d’un fantôme rêvé par une poignée d’exaltés et leurs successeurs (Luc 24:37).
Aussi bien dans le symbole dit des Apôtres que dans celui de Nicée-Constantinople se trouve affirmée la réalité de l’Incarnation :
enchâssée dans la structure trinitaire de ces textes, la confession de l’Incarnation en constitue la partie la plus développée.
Dans la seconde épître de Jean, la négation de l’Incarnation est la marque de l’antichrist au même titre que la négation du Père et du Fils dans 1 Jean 2:22b-23:
Car dans le monde sont entrés plusieurs séducteurs, qui ne confessent pas Jésus-Christ venu dans la chair. Voilà le séducteur et l’antichrist. Prenez garde à vous-mêmes, afin de ne pas perdre le fruit de notre travail, mais de recevoir une pleine récompense. Quiconque va plus loin et ne demeure pas dans la doctrine du Christ n’a pas Dieu ; celui qui demeure dans la doctrine a le Père et le Fils. Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne lui dites pas : Salut ! car celui qui dit : Salut ! participe à ses mauvaises œuvres (7-11).
UN CHRISTIANISME CONFESSANT RÉSOLUMENT IDENTITAIRE
Un christianisme confessant est-il un christianisme « identitaire » ?
Cela ne fait aucun doute, puisque l’identité de Jésus en tant que Christ est pour les chrétiens ce qui les marque à toujours.
Avec leur baptême, ils portent en eux non un quelconque tatouage, mais la marque indélébile de sa mort comme eau purificatrice, et de sa résurrection comme émergence de la mort causée par le péché :
En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection (Rom. 6:5).
La première lettre de Pierre, adressée à des communautés de chrétiens dispersées dans les provinces asiatiques de l’empire romain, décline cette nouvelle identité en termes à la fois vifs et tranchés.
Tout comme l’apôtre Paul aux Éphésiens, Pierre le fait sur le fondement de Jésus-Christ comme pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu.
C’est sur le fondement de cette pierre d’angle que les croyants sont appelés à devenir eux-mêmes des pierres vivantes (2:4-6).
Il poursuit :
Vous, par contre, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d’annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière; vous qui, autrefois, n’étiez pas un peuple et qui, maintenant, êtes le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde et qui, maintenant avez obtenu miséricorde (2:9-10).
L’Église est bien réunissant en un même peuple, marqué par une même identité, des femmes et des hommes de toute langue et de toute nation.
On ne saurait en effet être plus « identitaire ».
Au milieu d’un christianisme contemporain souvent sans repère, littéralement « déboussolé », où le nord et le sud, l’est et l’ouest ont été confondus sous les coups de boutoirs d’un post-modernisme réducteur de toute ligne de démarcation, il est nécessaire pour les chrétiens de revenir aux données de l’Écriture afin d’y retrouver les marques qui permettent de définir leur caractère et identité propre, afin aussi qu’ils sachent rendre compte de manière articulée de l’espérance qui est en eux à tous ceux qui leur en demandent raison.
Qu’est-ce d’autre, au fond, que ce que la Réforme du seizième siècle a puissamment contribué à promouvoir à travers les nombreux textes symboliques qu’elle a suscités ?
Eric Kayayan,
Pasteur Protestant Réformé
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