« Dieu les a tous renfermés dans la désobéissance, pour faire miséricorde à tous ». (Romains 11,32)
(...) A quiconque veut recevoir pour lui-même les deux grâces que Jésus-Christ apporte, le pardon et le changement du cœur, il faut une certaine disposition d’âme qui a le nom de foi : l’Écriture l’exige clairement, et n’exige qu’elle.
Sans en multiplier les preuves, il me suffira de vous rappeler deux grands traits, l’un du Ministère de Jésus-Christ, l’autre de celui des apôtres.
Quand Jésus-Christ était sollicité par des malades de leur accorder la guérison du corps, par laquelle Il figurait la guérison de l’âme, Il leur disait : « Crois-tu ? Si tu crois, tout est possible au croyant » ( Mc 9.23) ; et quand saint Paul fut interrogé par le geôlier de Philippes sur ce qu’il devait faire pour être sauvé, il lui répondit : « Crois au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé. » (Actes 16.31)
Ainsi, si d’un côté vous ne pouvez être sauvés que « par la Grâce », de l’autre vous ne pouvez avoir part à cette Grâce que « par la foi » (Ephésiens 2.8 : « Vous avez été sauvés par la grâce, par la foi »).
Mais qu’est-ce donc que la foi ?
Apprenez-le encore de l’Écriture.
La foi y a deux significations, selon qu’elle est considérée dans son principe ou dans son application.
La foi considérée dans son principe, c’est la conviction générale que la Bible est la Parole de Dieu, en sorte que tout ce qu’elle dit est vrai : c’est la foi en Dieu.
La foi considérée dans son application, c’est la conviction spéciale qu’il est vrai, puisque Dieu l’a dit dans Sa Parole, que nous sommes perdus et que nous pouvons être sauvés par Jésus-Christ : c’est la foi en Jésus-Christ.
La seconde, la foi en Jésus-Christ, qui n’est au reste qu’une conséquence de la foi en Dieu, est celle qui est exigée par saint Paul du geôlier de Philippes, qui l’est aussi de nous, pour le salut.
Si vous voulez avoir de cette foi la notion la plus exacte en même temps et la plus simple possible, vous la trouverez dans ce mot d’un lépreux à Jésus-Christ :
« Seigneur, si tu le veux, tu peux me rendre net » (Lc 5.12 ; Mc 1.40-42 ).
Je suis perdu, je ne puis pas me sauver ; Tu peux me sauver, sauve-moi, Seigneur ! Voilà la foi.
Du jour que vous serez entrés dans cette disposition, il n’y aura plus rien dans les Promesses de l’Écriture que vous ne puissiez-vous appliquer personnellement ; et Jésus-Christ ne sera plus seulement le Sauveur, il sera Votre Sauveur.
Mais cette foi, comment l’acquérir ?
Faut-il que Dieu nous la donne ? Oui ; car l’Écriture dit :
« Il vous a été donne de croire. » ( Ph 1.29 ; Eph 2.8)
Faut-il donc attendre sans travail qu’elle nous tombe dans l’esprit ? Non ; car l’Écriture dit encore :
« Appliquez-vous, cherchez l’Éternel, travaillez à votre salut. » ( 2 Pi 3.14 ; Es 55.6 ; Ph 2.12)
Mais comment concilier deux choses qui semblent si opposées ?
En théorie, je tiens la chose pour impossible ; mais en pratique, elle est aisée.
Vous les concilierez en demandant la foi.
Car demander, c’est reconnaître que nous avons besoin qu’on nous donne ; et en même temps demander, c’est chercher, c’est agir.
Demandez donc, priez pour obtenir la foi.
Pour vous exaucer, Dieu ne vous fera qu’une seule question, celle de Jésus-Christ au paralytique de Béthesda :
Voulez-vous être exaucé ? (Jean 5.6) Voulez-vous croire ?
Non pas seulement désirez-vous, souhaitez-vous, mais voulez-vous ?
Le voulez-vous avant tout et quoi qu’il en coûte ?
Voulezvous connaître la Vérité ?
C’est-à-dire voulez- vous faire pour la connaître tous les sacrifices que Dieu exigera de vous ?
Celui de votre paresse, de votre négligence, de vos préoccupations, de vos intérêts, de vos affections, celui même de vos opinions personnelles et de votre indépendance prétendue ?
Voulez-vous écouter Dieu dans l’Écriture avec une sincère détermination d’accepter Son Témoignage, conforme ou non à ce que vous avez cru jusqu’ici ?
Voulez-vous être pardonné ? Voulez-vous être gracié comme un vil criminel ?
Voulez-vous être confondu dans une commune absolution avec des brigands, a « des péagers et des pécheurs » (Jean 5,6) ?
Voulez-vous être sanctifié ? Voulez-vous faire tout ce que vous trouverez ordonné dans la Parole de Dieu, agréable ou non à vos penchants ?
N’avoir plus de volonté propre, mais suivre la volonté de Dieu Seul, et Lui donner tout ce que vous avez et tout ce que vous êtes ?
Voulez-vous, pour tout dire en un mot, ô amertume ! Ô croix de la nature ! Voulez-vous renoncer à vous-même ?
Voulez-vous ne valoir rien, ne mériter rien, ne savoir rien, ne pouvoir rien, n’être rien, et ne vous réserver rien de rien ?
Si vous voulez cela, si ces dispositions sont les vôtres, demandez à Dieu la foi librement : ne craignez pas d’être trop confiant dans cette prière, ne craignez que de ne l’être pas assez ; car douter que Dieu vous veuille exaucer, ce serait douter de Sa Promesse Formelle.
Si au contraire vous ne voulez pas cela, si ces dispositions ne sont pas les vôtres …
Mais pourquoi jeter le découragement dans vos âmes ?
Ah ! Si vous ne sentez pas en vous ces dispositions, mais si vous en sentez du moins le commencement, si vous en sentez seulement le désir, eh bien !
Présentez à Dieu ce commencement, ce désir.
Appuyez-vous auprès de Lui sur l’exemple de ce malheureux père qui, suppliant Jésus-Christ de guérir son enfant, et interrogé par Lui s’il croit, répond en pleurant :
« Je crois, Seigneur ; aide-moi dans mon incrédulité ! » ( Mc 9.24) et qui pourtant n’est pas repoussé.
Vous de même priez, sinon avec foi, du moins avec ce peu de foi que vous avez ; sinon avec renoncement, du moins avec ce peu de renoncement que vous avez.
Ces premières prières imparfaites vous obtiendront de premières grâces, imparfaites sans doute ; mais ces grâces vous exciteront à des prières meilleures, qui vous obtiendront des grâces plus abondantes ; et ainsi de prières en grâces, et de grâces en prières, vous aussi vous entrerez, plus lentement à la Vérité, mais vous entrerez à la fin dans la voie des Miséricordes Divines !
Mes Frères et Soeurs, dans ce discours et dans le précédent, je vous ai exposé la nécessité et la voie du Salut par Jésus-Christ.
Si quelqu’un rejetait ces discours, je lui demanderais d’abord ce qu’il en rejette.
N’est-ce que la forme, le langage, l’enchaînement des idées ?
Libre à chacun de rejeter cela, parce que cela vient de moi.
Est-ce au contraire le fond, les idées elles-mêmes ?
Ce que vous ne croyez pas vrai, est-ce le fait que l’homme est dans sa nature pécheresse; qu’il a besoin d’un pardon, qui ne peut être obtenu que par la mort expiatoire du Fils de Dieu ; qu’il a besoin d’un changement de cœur, qui ne peut être opéré que par l’Esprit de Dieu ; qu’il est perdu, et ne peut être sauvé qu’en Jésus Christ, « par grâce, par la foi » ?
Si c’est là ce que vous rejetez, je n’ajoute qu’une réflexion.
Agissez du moins en connaissance de cause, et sachez ce que vous rejetez : ce n’est pas un homme, ce n’est pas la parole d’un homme ; c’est l’Évangile, c’est Jésus-Christ.
Car il n’y a qu’un évangile (Ga 1.7 : « Il n’y a point d’autre évangile. » ; Eph 4.5 ; 2 Co 11.4), et c’est celui qui enseigne précisément ce que vous rejetez :
l’homme perdu, Dieu Sauveur, Christ Victime, le Saint-Esprit Régénérateur.
C’est là sur quoi se sont toujours accordés tous les hommes qui ont puisé leur foi dans les Écritures.
C’est l’évangile de l’Église réformée de France ; c’est l’évangile de Calvin ; c’est l’évangile de Luther ; c’est l’évangile de Pascal ; c’est l’évangile de Fénelon ; c’est l’évangile de l’Imitation ; c’est l’évangile de Jean Huss ; c’est l’évangile de saint Bernard ; c’est l’évangile de saint Augustin ; c’est l’évangile de saint Polycarpe ; c’est l’évangile de saint Paul ; c’est l’évangile de saint Jean ; c’est l’évangile de saint Jacques ; c’est l’évangile de Jésus-Christ’ ; c’est l’évangile de Dieu.
En sorte que si vous le rejetez, vous pouvez bien être appelés chrétiens, vous pouvez même vous croire chrétiens, mais vous n’êtes pas plus chrétiens qu’un philosophe qui rejette la philosophie platonicienne n’est disciple de Platon.
Ce que je vous ai prêché, ce n’est pas mon opinion : c’est La Vérité.
Ce n’est pas une doctrine : c’est La Doctrine.
C’est plus : c’est La Vie ; et si vous ne croyez pas cela, vous demeurez dans la mort.
Que dis-je ? Si vous ne croyez pas cela, que croyez-vous donc ?
Qu’êtes vous ? A qui appartenez- vous ? D’où venez-vous ? Que faites-vous ici ?
Si nous nous taisons, les pierres de toute véritable Eglise, de tout Temple véritable crieront que le culte qu’elles vous voient rendre à l'intérieur à Dieu est un contresens.
Car, sans parler des jours de communion, où cette liturgie au nom de laquelle on vous invite à vous approcher de la table sainte, et que vous reconnaissez vraie en répondant à cette invitation, déclare que vous êtes de « misérables pécheurs » qui n’ont d’espérance que « dans la Miséricorde Divine », que « Jésus-Christ est Le Véritable Agneau pascal qui a été immolé pour vous », et que vous avez besoin que « l’Esprit de Dieu vous transforme en de nouvelles créatures », chaque dimanche, vous n’accompagnez donc pas du cœur, vous n’accompagnez que des mains la prière par laquelle on ouvre le service : car cette prière se compose de deux parties, dont la première est un résumé de mon premier discours, et la seconde, un résumé de mon second discours.
Quand le pasteur dit tout haut :
« Nous reconnaissons devant Ta Sainte Majesté que nous sommes de pauvres pécheurs, nés dans la corruption, enclins au mal, incapables par nous-mêmes de faire le bien, et qui transgressons tous les jours et en plusieurs manières Tes Saints Commandements, ce qui fait que nous attirons sur nous par Ton Juste Jugement la condamnation et la mort, » ,
il faut, si vous rejetez mon premier discours, que vous disiez tout bas :
Je ne suis pas un pauvre pécheur ; je ne suis pas né dans la corruption ni enclin au mal ; je ne suis pas incapable par moi-même de faire le bien ; je ne transgresse pas tous les jours en tant de manières les commandements de Dieu, et je n’ai pas mérité la mort et la condamnation.
Et encore, quand le pasteur dit tout haut :
« Nous recourons humblement à Ta Grâce, et te supplions de subvenir à notre misère. Veuille donc avoir pitié de nous, Dieu Très Bon, Père de Miséricorde, et nous pardonner nos péchés pour l’Amour de Ton Fils, Jésus-Christ Notre Seigneur ! Accorde-nous aussi, et nous augmente continuellement, les grâces de Ton Saint-Esprit ! »,
il faut, si vous rejetez mon second discours, que vous disiez tout bas :
Comme je ne mérite pas la condamnation, je n’ai point de grâce à solliciter ; comme je ne suis pas né dans la corruption, je n’ai pas besoin d’être renouvelé par le Saint-Esprit ; et comme je ne pense pas que l’innocent souffre à la place du coupable, je ne saurais demander mon pardon au nom de Jésus-Christ.
En sorte que ne pouvant, aussi longtemps que vous rejetez cette doctrine, vous mettre d’accord ni avec l’Église Protestante, ni avec les réformateurs ; ni avec les catholiques pieux, ni avec les véritables et authentiques Chrétiens de tous les temps, ni avec les Pères de l’Église, ni avec l’Église primitive, ni avec les apôtres, ni avec Jésus-Christ, ni avec Dieu, ni avec vous-mêmes, il faut sortir de quelque manière d’une situation si fausse : il faut ou aller plus avant, ou revenir en arrière ; ou prendre la chose, ou quitter le nom ; ou recevoir cette doctrine, ou renoncer à être Chrétiens.
O vous, qui que vous soyez dans tout Temple et Eglise que Dieu a rendu sérieux par ces discours, faites de cette disposition sérieuse un usage fidèle.
« Aujourd’hui même, si vous entendez sa voix, n’endurcissez point votre cœur » (Hb 4.7s ).
Qui sait si ce n’est pas ici « votre jour favorable, votre jour de salut » (2 Co 6.2), qui peut, si vous le négligez, ne plus revenir, qui peut aussi, si vous l’accueillez fidèlement, marquer pour vous l’ère d’une vie nouvelle ?
Oubliez toute influence humaine, toute impression humaine ; ne voyez que Dieu et vous ; dites-Lui donc alors à Celui prêt à vous pardonner :
Mon Dieu ! J’ai cru jusqu’à présent être chrétien ; mais je commence à entrevoir que je ne l’étais que de nom. Je sens que tout n’est pas bien en moi, que je n’ai pas la paix avec Toi. Donne-la moi, cette paix, Seigneur ! Fallût-il renoncer à tout le reste. Veux-tu ma fortune ? voici ma fortune. Veux-tu ma réputation ? voici ma réputation . Veux-tu mon bien-être ? voici mon bien-être. Veux-tu les objets même de mes affections ? faut-il me séparer de mon ami, de mon père, de ma mère, de ma femme, de mon enfant ? voici, 1e sacrifice est accepté. Avant tout ta volonté. Avant tout ta vérité. Avant tout ton Esprit. Avant tout ma conversion.
« Convertis-moi, Seigneur, et je serai converti ! » (Jr 31.18 ; Lm 5.21).
Mon Dieu ! Si quelqu’un te prie de cette manière, il n’est pas éloigné du royaume des cieux.
Achève, oh ! Achève de lui faire faire le seul pas qui reste encore, en envoyant dans son cœur, pour le presser, pour l’importuner, pour continuer l’œuvre et pour la terminer, cet Esprit-Saint, Avocat Céleste de la Vérité, sans lequel l’avocat terrestre n’aurait été qu’un airain qui sonne et une cymbale qui retentit.
Amen,
Adolphe Monod,
Pasteur Protestant Réformé,
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