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Le contenu doctrinal des deux passages de l'épître aux Romains chapitre 9 les 5 premiers versets et Philippiens chapitre 2 versets 5 à 11 me semble mérité d’être uni en une seule perspective à cause de la proximité de la fête de Noël.
Qui est l’enfant de Noël ?
Bien entendu, nous pensons le savoir, mais il y a du chemin entre ce que nous savons et une vraie réponse biblique.
Juste un exemple, un de nos cantiques de Noël s’intitule :
« Il est né le roi du monde ».
Je me suis demandé s’il est juste de l’appeler ainsi et je n’ai pas été trop surpris de découvrir qu’aucun texte biblique ne l’appelle ainsi.
Par contre, il est très fréquemment nommé le roi des Juifs ― 21 fois.
15 si l’on ne garde pas les références parallèles ―,
et quatre fois, le roi d’Israël, dont la foule l’acclamait lors de son entrée à Jérusalem (Jean 12.13), ce qui choqua certains chefs du peuple qui l’invitaient à les faire taire, mais que Lui accepta pleinement en leur répondant : S’ils se taisent, les pierres crieront (Luc 19.39, 40).
Prenons donc la lecture de Romains 9.1 à 5 :
9.1Je dis la vérité en Christ, je ne mens point, ma conscience m’en rend témoignage par le Saint-Esprit :2J’ai, en mon cœur, une grande tristesse et un chagrin continuel. 3Car je souhaiterais être moi-même anathème et loin du Christ en faveur de mes frères, mes parents selon la chair 4qui sont israélites et à qui sont l’adoption, et la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses ; 5à qui sont les pères et de qui est issu, selon la chair, le Christ qui est, au-dessus de toutes choses, Dieu béni pour tous les âges. Amen !
Pourquoi Paul a-t-il écrit ces paroles poignantes et avec un tel accent ?
Le fait que Dieu ait orienté son ministère en direction des païens a pu faire croire qu’il se désintéressait de son propre peuple.
Il veut que tous sachent qu’il n’en est rien ; d’où cette sorte de serment et d’invocation du témoignage de l’Esprit : Je dis la vérité en Christ, je ne mens point, ma conscience m’en rend témoignage par le Saint-Esprit.
Loin de les aimer moins, il voudrait, si c’était possible être anathème, c’est-à-dire maudit, si cela pouvait assurer leur salut.
Pour donner plus de poids à sa défense, il rappelle brièvement ce que demeurent leurs privilèges nationaux, totalement inaliénables.
On peut, pour un temps, être laissé de côté par Dieu ― pour Israël à cause de son incrédulité persistante ―, sans pour autant qu’Il nous aime moins !
Il doit aussi parfois nous châtier précisément parce qu’Il nous aime et ne saurait se désintéresser de nous.
Les privilèges d’Israël sont nombreux et d’une importance capitale.
Rappelons-les brièvement.
Ils sont israélites, porteurs de ce nom magnifique de « vainqueur de Dieu » que Jacob reçut de Dieu lui-même !
À eux est l’adoption, que j’appellerais plus exactement ‘la filiation par adoption’.
Ils ont fait l’objet d’un choix.
Ce n’est point par accident qu’ils sont son peuple.
Quand Dieu envoie Moïse vers le pharaon, Il lui dit :
Tu lui diras :Ainsi parle l’Eternel : Israël est mon premier-né (Exode 4.22).
Premier-né par choix et en fonction d’une responsabilité envers tous les autres peuples de la terre.
À eux était la gloire.
La gloire humaine, ils ne l’ont guère connue, si ce n’est au temps du roi Salomon et du temple magnifique qu’il construisit selon les consignes graphiques données par la Main de Dieu à David son père (1 Chroniques 28.19).
Si non, il a été, tout au long de son histoire, l’objet du plus abject mépris, poursuivi par la haine de tous, accusé de tous les maux.
La gloire que Paul appelle leur possession, c’est la Présence de Dieu, faisant Sa Demeure au milieu d’eux, sur le propitiatoire, entre les chérubins.
Le propitiatoire, le lieu de la Miséricorde et du Pardon Divin, le lieu de la rencontre de l’homme avec Dieu.
Les Juifs l’appelaient la shékinah, la gloire.
Quand Paul écrivait aux Romains, elle n’avait pas encore quitté le temple.
Elle se retirerait en 70, lorsque Titus détruirait la ville et son temple.
Mais on sait que le temple doit être reconstruit dans les derniers temps.
La gloire, alors, leur sera rendue.
Mais ce sera bien plus qu’une nuée, ce sera le Messie Lui-même, selon Malachie 3.1. Parlant du prophète Elie, Dieu dit :
Voici j’enverrai mon messager ; il préparera le chemin devant moi. Et soudain entrera dans son temple le Seigneur que vous cherchez.
Notons seulement, pour le moment, que c’est Dieu qui parle d’un chemin préparé devant Lui, et que c’est le Seigneur qui entre, « le Maître dont vous souhaitez la venue » traduit la version du rabbinat français.
Nous verrons tout à l’heure que l’on peut faire l’équation : Verbe, Sagesse, gloire.
Or, la gloire est à eux, les Juifs.
Viennent alors, les alliances.
Et oui, c’est un pluriel, ce qui ne confirme pas notre tendance déjà ancienne à laisser l’ancienne à Israël et à nous approprier la nouvelle.
Pourtant, Jérémie n’a pas laissé de doute, quand il cite le Seigneur, disant : Voici, les jours viennent, dit l’Eternel, où je ferai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle.(31.31).
Avons-nous raison de la revendiquer ? Non.
Mais nous pouvons bénir Dieu, de ce que, à travers l’incrédulité du peuple élu, le bénéfice de cette alliance nouvelle s’est étendu à nous, les païens.
Il est si facile d’oublier que le messager de l’alliance, pour reprendre les termes de Malachie 3 est venu ― et reviendra ― d’abord pour Israël.
Au temps de l’avent, on cite volontiers l’annonce de l’ange à Joseph.
Mais ne passe-t-on pas, comme sans les voir, sur les mots ‘son peuple’ ?
Je lis ces deux versets de Matthieu 1. 20 et 22 :
Ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient du Saint Esprit ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus ; c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
Galates 4.4 le dit aussi : Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sous la loi afin qu’il rachetât ceux qui étaient sous la loi.
Qui était sous la loi, sinon le peuple d’Israël.
Mais, la loi, de fait, qu’est-ce en Romains 9 ?
Et la loi, et le culte.
Au début du chapitre 3 de l’épître aux Romains, Paul soulevait cette question :
Quel est donc l’avantage des Juifs ou quelle est l’utilité de la circoncision ? Il répondait : Il est grand de toute manière et d’abord en ce que les oracles de Dieu lui ont été confiés.
Ce que Paul appelait les oracles en Romains 3.1, c’est ce qu’il appelle maintenant la loi.
Or, elle ne leur a pas seulement été donnée, mais encore confiée, c’est-à-dire remise à leur soin, à leur garde.
Telle est la raison pour laquelle, dans les églises issues de la Réforme, on n’accepte comme canoniques que les livres que le peuple juif a regardés ainsi.
Il est évident que ce que Paul appelle le culte, c’est le service de Dieu, en particulier les prescriptions lévitiques.
Dieu avait dit, à Moïse déjà, Sa Volonté de faire de la maison de Jacob un royaume de sacrificateurs et une nation sainte (Exode 19. »-6).
L’apôtre Pierre le rappellera aux juifs dispersés dans sa première épître (2.9).
Et les promesses. Nous savons ce que les Juifs pieux attendaient au temps du Christ.
Luc (2.38) parle de tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.
De Siméon, il dit qu’il attendait la consolation d’Israël (2.25).
En d’autres termes, ils attendaient l’établissement du règne messianique.
Pierre, peu après la Pentecôte invitait la foule à se repentir et à se convertir pour que viennent des temps de rafraîchissement et ceux du rétablissement de toutes choses.
Ils attendaient, en particulier, le départ des occupants et le rétablissement de la royauté davidique.
C’est bien aussi de cela que parlait le brigand en croix quand il disait à Jésus :
Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne (Luc 23.42).
Qui oserait dire que les Juifs continuent de croire en ces promesses des prophètes, mais qu’en réalité, elles sont caduques, abandonnées par celui qui les a jurées ― plus de 50 textes le rappellent ― à Abraham et à ses descendants ?
Bien sûr, au-dessus de ces privilèges déjà fantastiques, il y a le fait que, quant à la chair, le Christ est issu de lui.
Oh ! N’allons surtout pas croire qu’Israël l’ait de quelque manière mérité.
Non, pas plus que les autres privilèges mentionnés.
Ils sont le fruit le la Décision Souveraine de Dieu.
Le Christ est bien leur Messie à eux !
Mais quittons Romains 9 pour penser à la nativité.
Luc (2.10), dans son évangile, relate comment les anges, la nuit de Noël, annoncèrent Sa Naissance à de simples bergers :
Ne craignez point, car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple ― pas ‘les peuples’ ― le sujet d’une grande joie ; c’est qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur.
Le mot "Seigneur", faut-il le dire, traduit le plus souvent l’hébreu "Adonaï" prononcé habituellement à la place du nom sacré YHWH.
Et là, nous sommes face à notre question : Qui est donc l’enfant de Noël ?
Yahweh Lui-même ?
La dite question nous fera revenir au texte de Romains 9 que nous avons expressément laissé un moment.
Car le texte qui répond le plus admirablement à la dite question, même si sa compréhension est loin d’être simple, c’est cette sorte d’hymne que l’on trouve au chapitre 2 de l’épître aux Philippiens (2.5-8) :
Ayez en vous les sentiments qui étaient dans le Christ Jésus, lequel s’étant trouvé en ‘forme’ de Dieu, n’a point regardé l’égalité avec Dieu comme une chose à saisir, mais s’est vidé en ce qu’ayant pris la forme de serviteur en devenant semblable aux humains et ayant été reconnu comme homme en son aspect ; il s’est humilié lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort même de la croix.
Il faut se pencher sur la plupart des mots de ce passage, car ils ont une importance capitale si nous voulons en saisir tout le sens.
Je ne peux évidemment reprendre tout cela, mais concluons que l’expression ‘existant en forme de Dieu’ signifie : … ayant dès l’origine ( ou dès le commencement) pour nature, celle de Dieu et que l’expression : l’égalité avec Dieu, se compose en grec d’un adverbe pluriel et du mot Dieu au datif, ce qui en fait une sorte d’expression adverbiale qui désigne non pas Dieu en Son Essence, mais Son Mode d’Existence, Sa ‘Manière d’Être’, Son Statut.
Quel fut Son Statut, dès l’origine ?
Jean 1.1 répond : le Verbe, la Parole.
C’est de ce mode d’existence, de son statut, que le Christ se vida pour prendre celui d’esclave.
La Parole a été faite chair.
Le mot ‘forme’ que l’on a trouvé ici est la traduction du grec morphè qui est à l’origine du latin forma qui a lui-même donné le diminutif ‘formule’.
Or, nous savons que la formule des corps chimiques est bien l’expression de la nature de l’élément.
Même si l’eau passe de la condition liquide à la condition gazeuse, elle restera définie par sa formule H2O.
On peut dire, de même, que Dieu, lorsqu’Il passe de Sa Condition Première à celle d’esclave ne saurait changer de Nature.
Notre passage dit qu’Il a pris la condition d’esclave en se faisant semblable aux hommes, d’un terme qui concerne donc une transformation intérieure, profonde.
Et, ajoute le texte, Il a été reconnu en son aspect comme étant un humain.
De quoi donc Jésus s’était-Il dépouillé ?
De son Statut Divin, pour prendre le statut de serviteur.
Mais cela a nécessité qu’Il se vidât, se dépouillât de toutes Ses Prérogatives Divines.
De sorte que, parmi nous, bien qu’étant Dieu par nature, Il ne fut plus qu’un homme, soumis à toutes les limitations humaines, affrontant toutes les tentations humaines, mais sans jamais commettre le péché.
Ce dépouillement de Ses Prérogatives ‘Naturelles’ (liées à Sa Nature Divine Inaliénable) est l’humiliation la plus profonde qu’Il poussa même jusqu’à subir volontairement la mort de l’esclave, celle de la croix.
En un sens, j’ai hâte de passer à la suite du texte, car cette humiliation extrême aura pour fruit Son Extrême Exaltation.
Mais, je propose que nous réfléchissions plutôt à ce qu’est donc l'enfant de Noël.
C’est Dieu, Yahweh si l’on rappelle Son Statut Premier.
Mais c’est aussi Celui que Jean appelle le logos ou Verbe, Parole et, nous le comprenons aisément, Celui que le livre des proverbes nomme la Sagesse, première des œuvres de Dieu, et que Jacques, dans son épître (2.1) appelle la gloire, lorsqu’il écrit :
Mes frères, que votre foi en notre Seigneur Jésus-Christ, la gloire, soit exempte de toute considération de personnes.
Qui est-ce donc qu’en imagination, nous pouvons contempler emmailloté, couché dans une mangeoire ?
Emmanuel, Dieu parmi nous (Matthieu 1.23) ; le verbe fait chair (Jean 1.14), Dieu manifesté en chair (1 Tite 3.16).
Si nous disons que Jésus est Dieu, nous ne disons qu’une partie de la Vérité et, par là, nous nous trompons.
Si nous disons qu’Il est homme, nous oublions l’essentiel.
Si nous disons qu’Il est l’un et l’autre, nous nous heurtons aux pires difficultés.
Il faut garder la définition des Ecritures.
Il est Dieu, certes, mais fait homme, manifesté en chair.
Il est homme, pleinement homme, certes ; mais c’est Dieu devenu homme !
Et c’est ici que je refais la soudure avec le texte de Romains 9.
Quant à la chair, Il est issu des patriarches, pleinement humain.
Son statut d’esclave le réclamait.
Mais quant à Sa Nature Profonde, Il est, au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement.
Jésus Christ est Le Roi d’Israël, Le Roi des Juifs, Il est venu sauver Son Peuple ; mais Il est aussi Le Sauveur du monde (Deux versets l’affirment ainsi : Jean 4.42 ; 1 Jean 4.14. cf. 2.2), donc aussi Mon Sauveur.
Amen,
Pasteur Richard F. Doulière,
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Source : Etudes & Echanges