William Tyndale naquit aux environs de 1492, fit des études aux Universités d’Oxford et de Cambridge ; les connaissances acquises lui permirent de lire les Saintes Ecritures en grec, il apprit ainsi à les aimer et à mettre sa confiance en elles.
Brillant érudit, Tyndale avait rencontré Érasme, découvert son Nouveau Testament grec-latin et s’était mis à le traduire en anglais.
A cette époque, il était formellement interdit de traduire aucune portion des textes bibliques en langue anglaise sans l’autorisation de l’évêque :
« Cela seul m’induisit à traduire le Nouveau Testament », écrivit alors Tyndale.
Il considérait ce travail comme le service le plus noble qu’il pût rendre à son pays ; lorsqu’il eut pris cette décision, il prononça ces paroles bien connues. :
« Si Dieu me prête vie, d’ici peu d’années je ferai en sorte que le garçon qui tient les cornes de la charrue en saura plus long que le pape lui même sur les Saintes Ecritures ».
Il se rendit à Londres dans ce but, mais ne tarda pas à se rendre compte d’une chose, à savoir qu’il n’y avait pas "dans le palais de Monseigneur de Londres une seule pièce appropriée à la traduction du Nouveau Testament, que même, dans l’Angleterre entière, il ne trouverait pas un seul endroit pour y travailler".
Dans un premier temps, il rechercha la protection de Tunstall, évêque de Londres, mais lorsque ce dernier apprit ses intentions, il lui refusa l’accès à son palais.
Aussi en 1524 se décida-t-il de partir pour Hambourg ; il ne devait jamais revoir sa terre natale.
Il achève sa traduction dans cette même ville et la remet à un imprimeur.
Des ouvriers trop bavard en informent le prêtre Cochlaeus, qui s’apprête à mettre la main sur l’édition.
Tyndale se précipite à l’atelier, saisit ses précieux manuscrits et les emporte à Worms.
Son Nouveau Testament y paraîtra en 1525.
Cochlaeus alerte cependant l’évêque de Londres.
Tyndale sait donc que les précieux volumes seront saisis à leur arrivée en Angleterre.
Dès 1526, les premiers exemplaires de sa traduction parvinrent en Angleterre ; des marchands britanniques les passèrent en contrebande dans leurs bateaux chargés de blé, et les volumes circulèrent aussitôt de mains en mains.
Pour déjouer l’étroite surveillance qui s’exerce dans les ports, les Nouveaux Testaments sont cachés dans des ballots d’étoffe ou des barils de vin.
Beaucoup d’exemplaires sont néanmoins confisqués.
Leurs destinataires sont astreints à défiler à cheval, le visage tourné vers la queue de l’animal, et portant visiblement le livre défendu ; ils devront le jeter eux-mêmes au feu devant tous, et faire pénitence.
Mais les efforts de l’évêque de Londres sont voués à l’échec.
Chaque londonien veut prendre connaissance de l’ouvrage proscrit et s’ingénie à l’obtenir au mépris des menaces.
En désespoir de cause, l’évêque de Londres prie Packington, un négociant de la cité, de mettre à profit ses relations commerciales avec le port d’Anvers, pour accaparer à la source toute l’édition de Tyndale.
Muni d’une forte somme d’argent, Packington se rend sur le continent.
L’évêque a cru "mener Dieu par le bout du doigt", écrit un chroniqueur de l’époque.
Mais il ne réussira pas mieux dans cette entreprise que dans les précédentes.
Packington, ami secret de Tyndale, arrive chez le traducteur :
"Monsieur Tyndale, je vous ai trouvé un bon acquéreur pour vos livres,
Et qui donc ?
L’évêque de Londres !
Mais, si l’évêque veut ces livres, ce ne peut être que pour les brûler !
Eh bien qu’importe ! D’une manière ou d’une autre l’évêque les brûlera. Il vaut mieux qu’ils vous soient payés ; cela vous permettra d’en imprimer d’autres à leur place !"
Le marché est conclu et l’édition est apportée en Angleterre.
L’évêque de Londres convoque la population devant la cathédrale Saint-Paul pour assister à la destruction massive des livres hérétiques.
Cependant, le bûcher de l’évêque devient une publicité inespérée pour la deuxième édition du Nouveau Testament Tyndale.
Imprimé cette fois en petit format, pour faciliter la dissimulation des volumes et mieux échapper aux perquisitions, sa diffusion est un vif succès.
Bien qu’exilé, Tyndale n’en restait pas moins sujet du roi, Henri VIII, qui essaya de le persuader de revenir au pays, mais le chrétien refusa en répliquant à l’envoyé :
« S’il était conforme au bon plaisir du Roi de donner le simple texte des Saintes Ecritures à son peuple dans la traduction qui plairait à Sa Majesté, je ferais immédiatement la promesse de ne plus écrire et de ne pas rester deux jours de plus ici ; je retournerais immédiatement dans son royaume et là, je me jetterais aux pieds de Sa Majesté royale, offrant mon corps pour qu’on lui inflige n’importe quelle douleur ou torture, et même n’importe quelle mort que Sa Majesté ordonnerait, pourvu que j’obtienne cela ».
Tyndale parle peu de sa vie privée.
Il fait de lui-même la description suivante :
« Peu favorisé des biens de ce monde, sans grâce aux yeux des hommes, timide, d’aspect rude, monotone et sans esprit ».
D’Allemagne il se rendit en Hollande, où il eut à coeur de visiter les réfugiés anglais malades et pauvres ; le dimanche il prêchait à un petit auditoire.
Pourtant les adversaires de la Bible ne désarment pas.
Ils tendent un piège à Tyndale.
Trop confiant, le traducteur accepte une invitation à un repas chez de prétendus amis ; on met la main sur lui et on l’enferme au château de Vilvoorde (Belgique).
Dans son cachot, le réformateur, ayant obtenu Bible, grammaire et dictionnaire hébreu, traduisit, vingt siècles après, un texte qui fit d’innombrables croyants dans les pays anglo-saxons : les Épîtres de Paul.
Au cours de sa captivité il adressa au gouverneur une lettre que voici :
« Je présumé, honoré seigneur, que vous n’ignorez pas le sort qui m’attend. Je supplie donc votre seigneurie, au nom de Jésus-Christ, que, si je dois demeurer ici tout l’hiver, elle veuille bien intercéder auprès du Procureur pour qu’il prenne, parmi ceux de mes biens qu’il détient en sa possession, un bonnet plus chaud, car je souffre cruellement de froid à la tête, étant affligé d’un catarrhe continuel qui ne fait que s’aggraver dans cette cellule. Et aussi qu’il m’octroie un manteau plus chaud, car celui que je porte est des plus minces ; puis une pièce d’étoffe pour raccommoder mes guêtres, mon manteau est tout usé, mes chemises aussi. Qu’il veuille bien me faire remettre une chemise de laine qu’il a en sa possession, ainsi que des guêtres plus épaisses et un bonnet chaud pour la nuit. J’implore aussi la grâce que l’on m’accorde une lampe pour la soirée, car il est très pénible de rester seul dans l’obscurité. Mais, par dessus tout, je supplie instamment votre Hautesse d’insister auprès du Procureur pour qu’il m’autorise à avoir ma Bible hébraïque, ma grammaire hébraïque et mon dictionnaire hébreu, afin que je puisse utiliser mon temps à étudier. En retour, puissiez-vous obtenir la réalisation de vos voeux les plus chers, pourvu qu’ils soient en harmonie avec le salut de votre âme. Mais si, avant la fin de l’hiver, on prend une autre décision à mon endroit, j’aurai patience et j’attendrai de voir la volonté de Dieu à mon sujet, afin que tout tourne à la gloire de la grâce du Seigneur Jésus-Christ, dont je souhaite que l’esprit dirige toujours votre coeur. Ainsi soit-il ! W. Tyndale. »
Ses amis anglais écrivirent des lettres d’appel pour obtenir sa grâce, mais ce fut en vain.
Condamné par Charles Quint, Tyndale fut conduit à l’échafaud où il fut étranglé puis brûlé le 6 octobre 1536.
Avant de subir le supplice, il cria d’une voix puissante :
"Seigneur, daigne ouvrir les yeux du roi d’Angleterre !".
Cette ultime requête sera exaucée deux ans plus tard.
En 1538, un exemplaire de cette édition est remis au roi Henri VIII.
Bouleversé par la beauté du texte et la profondeur de son message, le monarque qui s’est distingué par ses actes d’indépendance à l’égard du pape, passe outre une nouvelle fois les interdictions ecclésiastiques et décrète que cette Bible doit être lue « dans toutes les paroisses d’Angleterre ».
Cette nouvelle édition contenait la traduction faite par Tyndale des cinq livres de Moïse, des livres historiques jusqu’au second livre des Chroniques, et du Nouveau Testament.
De son oeuvre Tyndale avait écrit ce qui suit :
« J’appelle Dieu à témoin, au jour où nous comparaîtrons devant son trône pour rendre compte de nos actes, que je n’ai pas altéré la moindre syllabe de sa Parole le sachant et le voulant, et ne le ferais pas aujourd’hui, même si l’on m’offrait toutes les richesses, tous les honneurs et tous les plaisirs du monde. »
Cela est si vrai que sa traduction servit de base à celles de ses successeurs, notamment à la version la plus populaire en Angleterre, celle faite sur l’ordre du roi Jacques (King James) [1].
Recueillant sa traduction faite en prison, les amis de Tyndale la complètent et la font imprimer.
Il aurait été beaucoup trop dangereux d’indiquer le nom du traducteur sur la page de garde ; aussi cette édition est-elle désignée comme la « Bible de Matthieu » (Matthew’s Bible), selon le prénom de l’imprimeur.
Foxe déclare qu’il possédait sept langues : l’anglais, le français, l’italien, l’espagnol, l’hébreu, le grec et le latin, et que, quelle que fût celle qu’il parlait, on aurait cru que c’était sa langue maternelle.
Et Thomas More qui le connut en Allemagne affirme que « Tyndale était connu comme un homme de bien, rangé dans ses habitudes, studieux et bien versé dans les Ecritures ».