La Silésie est une région qui s’étend sur trois États.
La majeure partie est située au sud-ouest de la Pologne, une partie se trouve au-delà de la frontière avec la République tchèque et une petite partie en Allemagne.
C’est en 990 que Mieszko Ier de Pologne achète cette région à Boleslav II de Bohême.
Appartenant à la Pologne, la Silésie fut rattachée en 1335 à la couronne de Bohême, ensuite à l’Autriche qui domina la Bohême dès 1526, puis à la Prusse en 1742 par le traité de Hubertusburg qui mit fin aux guerres de Silésie.
Le 19ème siècle a vu de profondes transformations s’opérer dans la région lorsque le charbon y a été exploité en grandes quantités, avec la naissance des grandes villes de Silésie autour de la métallurgie.
Après 1871, elle fit partie de l’Allemagne unifiée.
Au traité de Versailles (1919, traité de paix entre l’Allemagne et les Alliés de la Première Guerre mondiale), la Silésie d’Opole (ville du sud de la Pologne), partie de la Silésie peuplée de polonophones (surtout dans les campagnes, les villes étant davantage germanisées) fut soumise à un plébiscite, qui entraîna de nombreux conflits…
Le vote populaire du 22 mars 1922 aboutit au rattachement d’une partie de la haute Silésie à l’Allemagne.
Des troupes de Polonais se ruèrent alors à travers le pays et causèrent de graves désordres.
A Miechowitz, dans la nuit du 2 au 3 mai, vers 2 heures du matin, le château fut assiégé.
Une garnison d’environ 30 soldats allemands tint en échec jusqu’à six heures un millier de Polonais.
Mais alors, une meute de ces sauvages réussit à s’introduire dans la cuisine du directeur.
Le maître de la maison qui, avec les siens, s’était réfugié dans la cave, essaie vainement de les contenir.
Un coup de feu l’étend à terre.
Alors les vainqueurs parcourent le château, pillant et saccageant tout, mais sans faire d’autres victimes.
Miechowitz est entre les mains des insurgés, qui poursuivent leur route jusqu’à Opole.
L’avant-garde des troupes de volontaires polonais, sous les ordres de Faska « dit le Sauvage », se trouve bientôt dans le voisinage du château.
Ce chef méritait bien son nom et s’établit en maître au château sans aucun égard pour le Comte et la Comtesse R. qui n’eurent plus qu’à se soumettre aux caprices des envahisseurs.
Un jour, le commandant entre dans la salle à manger et donne l’ordre de préparer le café dans l’après-midi pour lui et ses officiers.
« Je fournirai moi-même l’eau de vie » ajoute-t-il.
Puis, regardant le piano :
« Qui est-ce qui joue là ? »
« J’y accompagne mes chants » répond la Comtesse.
« Eh bien, nous aurons ainsi de la musique de table » dit Faska d’un ton autoritaire.
« Je ne chante que des cantiques » objecta la Comtesse.
« Peu importe ! » répond-il rudement.
A l’heure fixée, le café était servi sur la table du Comte.
Les soi-disant officiers se réunissent, vêtus d’uniformes étranges : ce sont pour la plupart les anciennes livrées des valets et des cochers des châteaux pillés.
Faska entre, une bouteille d’eau-de-vie sous le bras.
« Et maintenant, chantez ! » ordonne-t-il.
Pas de refus possible.
La Comtesse s’assied au piano, le Comte est debout près d’elle pour la protéger.
De sa voix sonore et harmonieuse, elle entonne le vieil hymne national polonais auquel elle adapte les paroles suivantes [2] :
L’effet est imprévu et puissant, l’Esprit de Dieu pénétrant musique et paroles a fondu ces cœurs durs et fermés.
Faska dit « le Sauvage » est là méconnaissable ; les yeux gonflés de larmes, il écoute, retenant son souffle comme si le chant lui avait percé l’âme, et ses guerriers écoutent comme lui.
Quand la voix se tait, il s’avance vers l’instrument :
« C’est beau ! » dit-il, « nous allons maintenant chanter ensemble ! »
Il saisit le recueil de cantiques et indique l’un après l’autre plusieurs chants émouvants, que la Comtesse accompagne en chantant avec lui et un autre de ses rudes guerriers.
On oublie le café, on oublie l’eau de vie.
Au dehors, c’est la fusillade ; ici, personne ne l’entend.
Puis, très ému, il demande un entretien et dévoile à ses hôtes le fond d’un cœur agité, tourmenté, une vie malheureuse, sans paix et sans joie.
Destiné à devenir prêtre, il a abandonné cette voie pour se joindre dans différents pays aux troupes révolutionnaires jusqu’à ce que la libération de la Pologne le rappelle dans sa patrie.
Cet entretien porte des fruits pour l’éternité.
Dès ce jour, Faska dit « le Sauvage » est transformé.
Lui qui jusqu’alors a humilié et tourmenté de toutes façons les propriétaires du château, devient leur ami et leur protecteur.
Ce n’est pas chose facile avec la troupe indisciplinée qu’il commande et qui n’attend que le moment du pillage.
Un jour même l’excitation des révoltés devient telle qu’ils réclament le Comte pour le fusiller.
« Vous ne toucherez à sa personne qu’après avoir passé sur mon propre corps ! » leur déclare Faska.
Quelques jours plus tard, il confie à ses hôtes qu’il ne se sent plus maître de sa troupe, qu’il ne lui reste plus qu’à se rendre en hâte, à cheval, au quartier général polonais, pour demander qu’elle soit rappelée et remplacée par d’autres mieux disciplinées.
Son plan aboutit.
Faska quitte le château avec ses hommes pour combattre les volontaires allemands qui tiennent tête aux Polonais et attaquent les hauteurs de l’Annaberg.
Peu de jours après, il succombe dans un combat.
Par le moyen d’un cantique chanté en prière, l’enfant prodigue a retrouvé le chemin de la maison paternelle et du cœur de son Père…
Notes
[2] Cantique de César Malan que l’on peut retrouver en France dans le recueil des « Ailes de la Foi » au n° 101 pour ne citer que ces deux exemples que chacun(e) complètera en fonction de son lieu d’origine.
Source : Theonoptie