Dieu est Amour
(2ème Partie)
Par Adolphe Monod,
« Dieu est Amour »
(1 Jean Ch 4 verset 8)
Eh bien, mettons nous à la place de Kajarnak dont la conscience vient enfin de se réveiller, et cherchons à nous expliquer la vive impression qu’il reçoit de cet Evangile tout nouveau pour lui.
Il ne faut pour cela que suivre pas à pas notre apôtre dans ce développement si court, mais si plein, que nous avons lu dans 1 Jean Chapitra 4 verset 8 :
« Dieu est Amour ».
Nous y voyons tout à la fois que l’homme pécheur peut encore avoir part à la vie éternelle, que Dieu a envoyé dans le monde son Fils revêtu d’une chair mortelle, qu’Il l’a livré à la mort en expiation de nos péchés, et qu’Il a fait tout cela pour nous gratuitement, quand nous n’avions mérité que sa colère.
La première chose qui doit porter Kajarnak à reconnaître que Dieu est amour, c’est le but que Dieu s’est proposé dans l’Evangile et que l’apôtre énonce en ces mots :
« Afin que nous ayons la vie ».
Quoique le pécheur ait mille fois encouru la mort, Dieu veut non qu’il meure, mais qu’il vive.
Il l’a déclaré, Il l’a juré par lui-même :
« Je suis vivant, dit le Seigneur, que Je ne prends point plaisir en la mort du méchant, mais en ce qu’il se convertisse et qu’il vive ».
Plus on développe à Kajarnak cette vie que Dieu veut donner au pécheur, plus il est surpris, charmé, ému d’un tel amour.
Cette vie, c’est la vie de grâce : c’est le pardon de toutes ses offenses, un pardon qui efface, qui ôte le péché.
Oter mon péché, se dit à lui même cet homme simple, quel langage !
Quand j’ai souillé mes mains du sang de mon ennemi, je l’ai ôté avec l’eau de la mer ou avec la neige des cieux ; mais ôter le péché de dessus ma conscience, et me rendre la paix, quel amour !
Cette vie, c’est la vie du ciel ; c’est la possession de la gloire de Dieu dans le séjour des bienheureux et dans la société des saints anges.
Un pécheur tel que moi appelé à une telle gloire, admis dans un tel séjour, reçu dans une telle société : quelle vocation, quel amour !
Cette vie, c’est la vie de Dieu : c’est l’Esprit de Dieu, c’est Dieu même qui vient habiter au dedans du pécheur, c’est Dieu qui se donne à lui, qui s’unit à lui ; n’est ce pas là le propre de l’amour ?
Dieu faisant sa demeure dans mon âme comme dans un sanctuaire de prédilection, dans cette âme qui ne semblait réservée qu’au démon et à ses anges : quelle condescendance, quel amour !
Mais cette nouvelle, cette excellente nouvelle, est elle bien vraie ?
Le peut elle être ?
Et la loi de Dieu que j’ai violée ; et la Parole de Dieu, engagée à punir le péché par la mort ; et la justice de Dieu, intéressée au châtiment de mes crimes, que deviennent elles ?
Peut être semble t il à plusieurs de nous que je prête à Kajarnak des pensées peu naturelles.
Dans ce pardon de Dieu auquel il a peine à croire, nous ne découvrons rien qui nous étonne, nous, saturés de science évangélique sans avoir reçu l’Evangile dans notre cœur ; et nous n’y savons voir, au lieu d’une grâce merveilleuse, qu’une chose toute simple que Dieu devait à ses créatures et qu’il se devait à lui même.
Faut il donc un si grand appareil pour pardonner ?
N’est ce pas le plus noble usage qu’un souverain puisse faire de sa puissance ?
Et comment les perfections qu’on prête à Dieu nous feraient elles moins attendre de sa part ?
Nous sommes pécheurs, sans doute, mais à tout péché miséricorde.
Voilà une de ces maximes populaires où, par une affreuse confusion de la vérité avec l’erreur, on se sert de l’Evangile pour anéantir l’Evangile.
A tout péché miséricorde :
Maxime vraie, maxime sainte, maxime divine, si nous disions avec surprise, avec ravissement, et comme d’une chose presque incroyable :
Il est donc vrai qu’il y a un pardon pour tous nos péchés !
Mais maxime fausse, maxime de péché, maxime de perdition, si nous disons sans joie, sans émotion, et comme d’une chose qui suit tout naturellement des perfections de Dieu et des misères de l’homme :
A tout péché miséricorde.
Ah ! C’est que nous jugerions alors de Dieu par nous mêmes, attirant ainsi sur nous ce reproche accablant qu’Il adresse aux plus méchants d’entre les hommes :
« Véritablement, vous avez estimé que j’étais semblable à vous » (Psaume 50 :21).
Pour nous, « formés dans l’iniquité, conçus dans le péché », c’est une chose toute simple que nous tolérerions sans indignation et sans surprise dans les autres ce qui serait tristement en nous une seconde nature.
Mais en est il de même pour ce Dieu « dont les yeux sont trop purs pour voir le mal, qui ne tient pas le coupable pour innocent », et qui a dénoncé la mort et la malédiction contre quiconque transgresse ses commandements ?
Il ne faut pas, il ne se peut pas que sa Parole soit trouvée vaine, ni sa loi foulée aux pieds, ni sa justice désarmée ; et Dieu ne serait plus Dieu s’Il pardonnait comme nous l’entenderions.
Sachons qu’il y a un obstacle sur le chemin de ce pardon, un obstacle immense, un obstacle à jamais insurmontable pour tout autre que pour Celui « à qui rien n’est impossible ».
Bien loin que les pensées que nous avons prêtées à Kajarnak aillent au delà de la vérité, elles demeurent fort en deçà.
Kajarnak est encore trop peu éclairé sur les perfections divines pour bien apprécier la difficulté ; plus il croîtra en lumières, plus il la verra grandir devant lui.
Mais donnons là à résoudre à de plus avancés.
Donnons la à résoudre à ce pécheur depuis longtemps travaillé et chargé, qui ne peut se persuader qu’il y ait pardon pour lui, tant il est touché de sa misère et de la sainteté de Dieu, et nous l’entendrons prier ainsi dans le secret de son cabinet :
Pardonne moi, ô mon Dieu, si Tu peux me pardonner sans porter atteinte à ta Sainte Loi !
Donnons la à résoudre à ce profond théologien, qui s’exerce jour et nuit dans la contemplation de la grâce, et nous le verrons écrivant dans un journal auquel il confie ses plus secrètes pensées :
« Je ne voudrais pas d’un salut où la loi ne serait pas honorée et mon péché expié » (Memoir of Griffin, by Sprague, p27)
Faisons mieux encore : donnons la à résoudre aux anges du ciel.
Plaçons nous avec eux entre la chute et la promesse, et demandons leur un moyen par lequel Dieu puisse pardonner sans cesser d’être juste, et faire grâce au pécheur sans épargner le péché.
Venez, esprits célestes, appris aux méditations sublimes, et qui avez pénétré si avant dans les pensées de l’Amour Divin : tâchez de résoudre ce grand problème.
Rassemblons toutes les forces de notre esprit immortel ; appelons à notre aide toute la philosophie d’en haut ; cherchons, méditons, montons au troisième ciel, descendons au plus profond des abîmes, et dites moi, si vous le savez, un moyen de pardonner sans cesser d’être juste et de faire grâce au pécheur sans épargner le péché.
Mais comment aurions nous pu découvrir une chose qui, venant à être révélée, étonne et accable notre intelligence ?
Comment pourrions nous pressentir la pensée de Dieu dans l’Evangile, nous que le Saint Esprit nous dépeint courbés sur cette pensée, comme les chérubins sur l’arche, et ne pouvant jamais contenter « le désir » qui nous consumait « d’y regarder jusqu’au fond » ? (1 Pierre 1 :12)
Ah ! Plutôt faisons silence, et écoutons ensemble la voix de Dieu lui même sortant du ciel :
« J’ai trouvé la propitiation ». (Job 33.24)
Il l’a trouvée ; et l’on dirait qu’Il s’étonne Lui même d’avoir réussi à la découvrir, tant ce succès est une étonnante merveille où toute la plénitude de sa divinité a dû être engagée.
Il l’a trouvée ; mais Il l’a trouvée tout entière dans Son Propre Sein ; « Son propre bras l’a dirigé, et Sa Propre Justice l’a soutenu » ; toute cette œuvre est « de Lui, par Lui et pour Lui ».
Il l’a trouvée :
« Gloire soit à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes ! »
Ce Dieu qui a trouvé la propitiation, ce Dieu qui a voulu si fermement nous donner la vie qu’Il a comme triomphé de Sa Justice et de Sa Loi, ce Dieu n’est il pas Amour ?
Si le but que Dieu s’est proposé dans notre rédemption touche le cœur de Kajarnak, le moyen qu’Il a employé pour nous racheter le touche plus encore.
Dieu a trouvé la propitiation, et voici la propitiation qu’Il a trouvée :
« Il a envoyé son Fils Unique au monde ».
Dieu est Amour par Adolphe Monod (Suite)
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