Partie de son Témoignage
...Ma mère avait été mise en contact avec un petit groupe de gens du village voisin qui se réunissaient pour lire la Bible.
On les appelait des protestants.
Fi, le vilain nom !
Et me voilà, moi, le petit Rouquin, entraîné, par une mère qui ne transigeait pas avec la discipline, à fréquenter les temples de ces gens qui osaient se singulariser et dont la vie était tellement austère et la morale tellement rigide.
C'est là que j’ai fait connaissance avec un livre qui s'appelait la Bible, que je me gardais bien de lire, d'ailleurs ! ...
Ah ! Que la grande aiguille de l'horloge avançait lentement sur le cadran pour l'enfant qui n'écoutait pas ! Les rouages devaient manquer d'huile, pour sûr !
L'amen final était, de tous les autres, celui que j’accueillais avec le plus de ferveur, une ferveur qui tenait plus du soulagement que de la piété.
C'était le seul que je prononçais de tout mon cœur.
Mais comme ces gens-là entendaient mettre leur croyance en pratique, j’eus tôt fait de les prendre en grippe et de haïr le chemin qui conduisait à leurs réunions.
Je préférais de loin la religion facile de mes petits copains qu'on envoyait à la messe une heure le dimanche et qui étaient ensuite libres d'aller et d'agir à leur guise.
De ce côté-là au moins il n'y avait pas de restrictions, ou si peu...
Aussi, le dimanche, quand l'heure arrivait d'être traîné au culte, de mystérieuses coliques —dont ma mère n'était pas dupe— me sillonnaient le ventre.
Pendant quelques instants, je prétextais un mal imaginaire, dans le secret espoir de rester avec mon père qui, lui, ne s'intéressait qu'à ses sports.
C'est ainsi que je suis devenu un révolté et un farouche anti-protestant, bien que, dans le tréfonds de mon cœur je sois obligé de reconnaître la qualité de vie de ces gens-là.
Et si je les haïssais, c'était précisément à cause de la qualité de leur vie.
L'obscurité qui était en moi ne pouvait pas supporter cette lumière (Jean 3.19)....
....un ancien de l'Eglise (Eglise évangélique que Fernand Legrand connut pour son sérieux et suivi Biblique) nous a invités à passer chez lui. Jamais, sans doute, cet homme ne fut bombardé d'autant de questions. A brûle-pourpoint, je me souviens lui avoir dit :
- Je constate que vous, les chrétiens, vous aimez Dieu; mais moi je ne l'aime pas, je n'éprouve rien pour Lui. Si donc il me faut l'aimer pour être sauvé, je ne le serai jamais.
Le vieil homme ne fut pas désarçonné par la question.
Il ouvrit paisiblement sa Bible dans la première Epître de Jean et me mit un verset sous le nez qu’il me demanda de lire: "Ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est Dieu qui nous a aimés le premier et a envoyé son Fils" (1Jn. 4.10).
- Vous n'aimez pas Dieu, me dit-il, je le sais, mais Dieu vous aime !
J’ai reçu le choc en pleine poitrine. Jamais je n'avais vu la chose sous cet angle-là.
C'était Dieu qui m’aimait, moi, un misérable transgresseur. J’ai commencé à voir que j’avais mis la charrue devant les bœufs.
Ce qui comptait, ce n'était pas ce que moi, je pouvais faire pour Dieu, mais au contraire ce que Dieu avait fait pour moi. J’avais inversé les rôles.
Voilà pourquoi mes efforts n'aboutissaient à rien. Mon salut, je l'avais ramené à moi-même.
Jusque dans la recherche du salut, partout et toujours, ça avait été moi, moi, moi et rien que moi. Et voici que je découvrais maintenant que c'était Dieu et rien que Dieu.
Je suis parti ce soir-là avec cette pensée: "Eh bien, si c'est Dieu qui sauve, sauvé je serai !".
Dénouement
Au soir d’une belle journée de juin, je suis monté dans ma chambre en proie à un grand trouble intérieur. J’aurais voulu prier ce Dieu que je ne connaissais pas encore, que je redoutais et recherchais tout à la fois.
J’aurais voulu ployer les genoux et prier, mais je ne l'avais jamais fait vraiment. Une bouffée d'orgueil m’empêchait de me courber. Je ne m’étais jamais courbé devant personne—du moins le croyais-je. C'est trop lâche, non!
Je ne voulais pas être un hypocrite: demander le pardon aujourd'hui et recommencer demain la même vie de patachon, non! Je savais que je n'aurais pas la force de rompre avec un genre de vie que Dieu désapprouvait.
Très agité, je suis allé vers la fenêtre et j’ai regardé le ciel. Le soleil, tel une énorme boule rouge, se couchait à l'horizon. Je désirais prier, mais je ne le pouvais pas. Plusieurs fois j’ai fait le va et vient du lit à la fenêtre, en proie à un combat intérieur intense.
Et tout d'un coup, la crise a éclaté et s’est dénouée. Je suis tombé sur mes genoux, j’ai éclaté en sanglots et j’ai balbutié :
"O Dieu, je suis perdu, sauve-moi ! "
Combien de temps suis-je resté là, prostré et prosterné ? Je ne saurais le dire.
Mais quand je me suis relevé, j’étais devenu un autre homme.
Ce jour-là et à cette heure, je suis mort à mon ancien genre de vie.
Le jeune homme qui est redescendu de sa chambre, on n'allait plus le reconnaître, car j’étais devenu, selon ce que la Bible en dit :
" une nouvelle créature en Jésus-Christ; les choses anciennes étaient passées et toutes choses devenaient nouvelles " (2 Cor. 5-17).
En un instant, toute ma vie de péché, de révolte, de mondanité, s’est radicalement terminée.
La transformation a été complète, jusqu'à mon vocabulaire qui s'en trouva modifié, épuré des propos malsains communément appelés gauloiseries.
On ne m’a plus jamais revu dans aucun de ces lieux de plaisir et d’égarement.
Désormais, l'homme qui avait lutté contre le Christ allait vivre pour Lui.
Et, O surprise, véritable cerise sur le gâteau, en même temps, presque le même jour mon ami Paul basculait lui aussi dans les bras du Seigneur.
Notre conversion, non pas à une religion mais à Jésus-Christ, fut radicale tant pour l’un que pour l’autre et notre vie ne s'est pas arrêtée là.
Au contraire, elle n'a fait que commencer.
Un formidable champ d'action s'est ouvert devant nous. Nous en avions des choses à apprendre car nous ne connaissions rien ou si peu !
La Bible est devenue le Livre de ma vie ; Jésus-Christ Mon Sauveur et Mon Seigneur.
J’ai rencontré de l'opposition un peu partout. On m’a dit que mon expérience ne tiendrait pas, que ce n'était qu'une crise passagère.
Eh bien, non, ça a tenu, cela fait plus de 50 ans que ça tient car c'est Jésus qui me tient dans sa main (Jean 10.28).
Les années ayant passé, je suis maintenant un retraité non pratiquant !
Je continue à servir Mon Bon Maître qui m'a sauvé d'une si grande perdition par un si Grand Sacrifice.
Je suis engagé comme volontaire, mais dans une autre armée et pour un autre combat.
Pour toute arme, j’ai la prière et la Parole de Dieu. Je m’en sers comme d'une épée que je lance dans les consciences, les compromis, les péchés et les traditions poussiéreuses. Et elle fait son travail.
Je ne suis pas théoricien pour deux sous, je sais de quoi je parle car je parle d'expérience. Ma prédication, c'est du vécu. Ma seule éloquence c'est de croire chaque mot que je dis.
Et surtout, j’ai des certitudes à proclamer. Bible en main, j’affirme que l'on peut avoir l'assurance du salut, car je n'imagine pas que Dieu ait donné un Sauveur qui ne sauve pas ou qui ne sauverait qu'à demi. (1Jean 5.13).
Je parle d'un salut que le Christ fait tout entier, qu’Il paie tout entier et qu’Il donne tout entier.
Je crois, avec tous les écrivains sacrés, que seules la repentance envers Dieu et la foi au sang de Jésus- Christ qui purifie de tout péché, peuvent tirer un homme de sa perdition. (Actes 20.21).
J’insiste beaucoup sur le fait que l'homme ayant été créé libre, doit choisir pour lui-même et faire de ce salut une affaire personnelle.
Je crois, et je le dis bien haut, que ce salut, bien qu'éternel, commence dès cette vie et implique un changement radical de conduite et de caractère (Actes 26.20).
Avec ma Bible, je continue à parcourir les routes de France, de Belgique, de Romandie et, dans une moindre mesure, les pays francophones d'outremer. Ma parole est parfois hésitante et heurtée ; j’ai gardé l’oreille des jeunes parce que je veille à ce que mon vocabulaire ne soit pas "rétro".
Ma tignasse a viré de couleur, elle est moins flamboyante et moins fournie qu’autrefois.
A l’exemple de l’apôtre Paul, je dis : " Je sais qu'en moi il n'y a rien de bon ". Comme lui, ma vie, je la tire de Mon Sauveur Bien Aimé. (Romains 5.18 et Gal 2.20).
Je crois que de tous les pécheurs je suis, avec saint Paul, le premier ex aequo. (1 Timothée 1.15).
Fernand Legrand,