« Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi ; et cela ne vient point de vous c'est le don de Dieu ; non point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Éphésiens 2.8-10)
Voilà de l'eau, bois ; voilà du pain, mange ; voilà la Grâce de Dieu, voilà Jésus-Christ crucifié et ressuscité, qui s'est chargé de tout le faire, qui était hors de ta portée, pour ne te laisser que le croire, qui est à ta portée : crois, dis-je, et tout ce qu'Il a fait est autant à toi que si tu l'avais fait toi-même, pour que tu sois aussi sûr de ton salut que si tu étais saint comme le Saint des saints.
« Crois seulement, et tu verras la gloire de Dieu. »
Que si tu ne peux te consoler de l'avoir déshonoré par le péché, au lieu de lui donner gloire par la sainteté, lis :
Tu as ta manière de lui donner gloire.
La première voie ouverte à l'homme pour glorifier Dieu, l'obéissance parfaite, qui eût rendu hommage à la perfection de Sa Loi, t'est fermée, mais il t'en reste une seconde, la foi, qui rend hommage à la Gratuité de Sa Grâce.
Cet hommage ne sera pas moins agréable à Dieu que n'eût été l'autre ; que dis-je ? Il le sera même davantage, car « Dieu est Amour, » et de toutes Ses Perfections, celle dont Il est le plus jaloux, c'est Son Amour Tout Gratuit, que l'homme innocent n'eût jamais connu, que l'ange saint n'a point éprouvé, et que l'homme pécheur, mais reçu en Grâce, a la tendre mission de sentir et de proclamer.
Je disais avec Jésus-Christ :
« Crois seulement, et tu verras la gloire de Dieu » (Jean 11.40) ;
Je puis ajouter : Crois, et nul ne fera pour cette gloire plus que toi !
Mais les bonnes oeuvres, que deviennent-elles dans ce salut tout gratuit ?
Ce qu'elles deviennent ? Elles deviennent praticables, d'impraticables qu'elles étaient.
Ce salut, dont la Grâce est le principe, et la foi le moyen, les bonnes oeuvres en sont le terme.
« Ce n'est point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie. Car nous sommes son ouvrage, étant créés en Jésus-Christ pour les bonnes oeuvres, que Dieu a préparées, afin que nous y marchions. »
Deux choses frappent ici par leur contraste : la première, que la gratuité du salut ne reçoit nulle atteinte de la nécessité des bonnes oeuvres ; la seconde, que la nécessité des bonnes oeuvres n'est en rien compromise par la gratuité du salut.
Il y a plus : cette gratuité et cette nécessité se relèvent l'une l'autre.
L'Apôtre aurait pu se borner à dire que « ce n'est pas par les oeuvres, » quoique ce soit pour les bonnes oeuvres. »
Mais ce n'est pas par un quoique, c'est par un car, qu'il lie ces deux pensées : ces deux côtés du salut Chrétien ne se complètent pas seulement, ils s'appuient et se déterminent l'un l'autre.
Ce sont, dans la doctrine du salut, les deux faces d'une seule vérité, comme ce sont, dans le langage de l'Apôtre, les deux membres d'une seule période.
Ceci est admirable : jamais saint Paul et saint Jacques ne furent mieux conciliés ; jamais on ne vit ni le salut plus nettement dégagé d'avec les oeuvres de l'homme, ni les bonnes oeuvres du Chrétien placées en plus haut rang.
La Gratuité du salut Chrétien maintenue dans les bonnes oeuvres qu'il enfante, c'est le premier objet qui attire l'attention de l'Apôtre, parce que cette Gratuité est la doctrine distinctive de mon texte, et de toute la première partie de notre épître.
« Nous sommes l'Ouvrage de Dieu, » nous qui faisons les bonnes oeuvres ; de telle sorte que nos bonnes oeuvres, n'étant que l'ouvrage de l'Ouvrage de Dieu, retournent de plein droit à Lui comme à leur source véritable : c'est moins nous qui les faisons, que Lui qui les fait par nous.
L'Apôtre applique ici à la création spirituelle du peuple Chrétien, ce que le Psalmiste avait dit de la création nationale du peuple d'Israël :
« C'est lui qui nous a faits, et non pas nous ; nous sommes son peuple et le troupeau de sa conduite » (Psaumes 100).
Mais ce mot ouvrage ne lui suffit déjà plus : nous sommes plus que l'Ouvrage de Dieu, nous sommes Sa Création :
« Ayant été créés en Jésus-Christ, pour les bonnes oeuvres. »
Créer, c'est créer : Dieu n'a pas moins fait quelque chose de rien en nous sauvant qu'en nous donnant la vie, et l'un ne réclame pas moins que l'autre sa toute-puissance.
Comment pourrions-nous désormais nous glorifier dans des bonnes oeuvres qui ne sont que le produit d'une Création de Dieu ?
Autant vaudrait nous attribuer l'honneur de notre naissance, ou bien le mérite des mouvements que nos mains et nos pieds exécutent à l'aide des forces naturelles dont Dieu les a pourvus.
Enfin, pour dernier trait, nous ne pouvons pas même nous vanter d'avoir préparé ou choisi les bonnes oeuvres que nous faisons ; car c'est « Dieu qui les a préparées, » tout exprès « pour que nous y marchions. »
Comme Il nous a créés pour elles, Il les a préparées pour nous.
Tant il est vrai que les bonnes oeuvres elles-mêmes ne sont qu'une partie du Plan formé de Dieu pour notre salut, et que « tout est de Lui, par Lui, et pour Lui. »
Cessez donc d'opposer les bonnes oeuvres des sauvés à la Gratuité du salut : c'est raisonner en sens contraire de la Vérité.
Ces bonnes oeuvres constatent et font éclater cette Gratuité, qui seule leur a donné l'être et frayé le chemin ; et plus un Chrétien sera zélé pour les bonnes oeuvres, plus il manifestera pour sa part cette Gratuité qui l'a fait tout ce qu'il est.
Il m'est permis de passer rapidement sur ce point après les développements auxquels je me suis livré ; et je me hâte vers la contrepartie de cette Gratuité, je veux dire vers la nécessité des bonnes oeuvres.
Cela même qui vous fait voir combien peu nos bonnes oeuvres nous appartiennent, fait voir du même coup combien elles sont nécessaires : car c'est tout exprès pour les faire que nous avons été sauvés :
« Ayant été créés en Jésus-Christ pour les bonnes oeuvres, que Dieu a préparées afin que nous marchions en elles. »
Ailleurs, les bonnes oeuvres sont recommandées aux Chrétiens :
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Soit comme provenant de la Grâce, qui les produit aussi naturellement qu'un arbre son fruit (Galates 5.22),
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Soit comme « convenables à la Saine Doctrine, parce que la foi n'a pas de plus bel ornement qu'elles (1Timothée 2.9-10 etc.) ;
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Soit comme voulues de Dieu parce qu'Il prend plaisir à voir marcher Ses Enfants dans la Sainteté (Hébreux 17.16 ; 1Pierre 2.20) ;
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Soit comme prescrites par la reconnaissance, en réponse à l'Amour dont Il nous a aimés le premier. (1Jean 4.19 ; Romains 12.1) ;
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Soit comme indispensables au salut, parce qu'on ne va pas au ciel par le chemin de l'enfer (Romains 6.16) ;
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soit pour d'autres raisons, car elles sont infinies.
Mais celle qui est indiquée ici par l'Apôtre est plus décisive encore :
les bonnes oeuvres sont plus que le fruit de la Grâce, plus que l'ornement de la foi, plus que le Commandement de Dieu, plus qu'une obligation de reconnaissance ; elles sont la fin du salut.
Vous demandez pourquoi vous avez été sauvés par la Grâce, pourquoi créés de nouveau par la foi en Jésus-Christ ?
l'Apôtre vous répond :
« Pour les bonnes oeuvres. »
Nous voici au coeur même de la question.
Dieu fait tout en vue de Sa Gloire ; même le méchant pour le jour de la calamité ; combien plus le juste pour le jour de sa délivrance !
Et, en se proposant pour fin prochaine le bonheur de ceux qu'Il arrache à la perdition, Il se propose pour fin dernière de glorifier en eux Son Nom, par les bonnes oeuvres :
« Que votre lumière luise devant « les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est aux cieux ».(Matthieu 5.16 ; Jean 15.8).
En nous sauvant par Grâce, sans les oeuvres, en Jésus-Christ, Dieu a eu devant les yeux les bonnes oeuvres qu'Il voulait nous amener à produire : les bonnes oeuvres, voilà la fin, l'objet, le stimulant, le terme de tout ce qu'Il a fait pour nous.
Cela est aussi simple que profond ; et les autres aspects sous lesquels les bonnes oeuvres nous sont présentées reviennent tous à celui-là. (…)
La Grâce ou l’oeuvre du Père par Adolphe Monod (Suite partie 4)
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