« Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi ; et cela ne vient point de vous c'est le don de Dieu ; non point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Éphésiens 2.8-10)
Croire, c'est prendre Dieu sur parole ; c'est s'en rapporter à Dieu, d'un esprit tout persuadé et d'un coeur sans défiance ; plus spécialement, dans la matière qui nous occupe, croire, c'est écouter la Bonne Nouvelle de la Grâce avec les dispositions d'un homme qui ne doute ni que Dieu ait parlé, ni que ce que Dieu a dit soit vrai.
Ce qu'il faut surtout remarquer ici, c'est le rapport de la foi à la Grâce.
La foi, cet élément humain du Salut Tout Divin, la foi est ce je ne sais quoi dans l'homme, par où se donne à lui la Grâce qui est en Dieu ; de telle sorte que, d'une part, la Grâce ne parvient à l'homme que si elle lui est transmise par la foi ; et que, de l'autre, la foi n'agit dans l'homme qu'en laissant passer la Grâce, sans y rien ajouter du sien.
La foi est donc si nécessaire, que sans elle la Grâce est comme si elle n'était pas, et tout ensemble si simple, qu'elle laisse à la Grâce sa gratuité tout entière, que dis-je ? Qu'elle la constate et la fait éclater.
La foi est nécessaire pour approprier à l'homme la Grâce de Dieu.
Il ne s'agit pas de mériter un salut dont le caractère essentiel est d'être immérité ; mais ce salut immérité, il s'agit d'y prendre part.
Celui qui sauve, c'est Dieu ; mais celui qui est sauvé, c'est l'homme ; et cet homme, non une machine ou un instrument, mais une créature morale et responsable, qui a sa participation inévitable autant qu'obligatoire, dans toute transaction dont elle est l'objet, sans en excepter la plus souveraine ou la plus gratuite.
Le salut d'une âme est un ouvrage qui n'appartient qu'à Dieu ; c'est une création, selon l'expression de l'Apôtre dans mon texte, c'est-à-dire l'introduction d'un principe nouveau dans le coeur, par opposition au développement naturel d'un germe préexistant.
Mais cette création est intérieure ; elle s'opère dans l'homme, c'est assez pour que l'homme y ait sa part d'action, à la différence de cette autre création qui nous a appelés à l'existence.
« Dieu qui nous a créés sans nous, a dit un Père de l'Église, ne veut pas nous sauver sans nous ; »
Cela est vrai dans l'affaire du Salut, comme il est vrai dans toute action de l'homme par laquelle il est mis en possession des dons de Dieu, quels qu'ils soient.
Dieu met devant moi un paysage ravissant : encore faut-il que j'ouvre les yeux pour le contempler ;
Dieu me présente un fruit délicieux : encore faut-il que j'ouvre la bouche pour le recueillir ;
Dieu m'offre un remède certain pour mes maux : encore faut-il que j'ouvre la main pour le prendre.
Il en va de même pour le Salut : la foi est la faculté réceptive de l'homme, s'exerçant sur le Don de Dieu, et faisant nôtre ce qui n'était que pour nous.
La foi est l'oeil qui regarde, la bouche qui recueille, la main qui prend.
Un Béchuana converti la définissait admirablement :
« La foi est la main du coeur. »
En deux mots, si la Grâce est la Main de Dieu qui donne, la foi est la main de l'homme qui reçoit : que ces deux mains se rencontrent, tout est dit.
Mais autant la foi est nécessaire, autant elle est simple.
Elle opère en recevant, mais en recevant seulement : l'homme s'efface, pour laisser tout le Salut à Dieu.
Ne me dites pas que la foi sent, que la foi aime, que la foi obéit ; et que c'est par ce sentiment, par cet amour, par cette obéissance qu'elle vaut devant Dieu.
Non, vous dis-je ; la foi ne fait que recevoir ; et c'est par cette simplicité du recevoir qu'elle vaut, parce que c'est par elle qu'elle laisse à Dieu toute la Gloire du faire.
Le sentiment, l'amour, l'obéissance, ce n'est pas la foi, c'en sont les fruits, les oeuvres ; et attribuer le Salut à ces fruits, à ces oeuvres, c'est, après l'avoir rejetée dehors par le grand portail, ramener la justice propre par une porte dérobée.
Ne me dites pas même que la foi est une condition du salut.
Sans doute, cela peut se dire, si l'on ne veut exprimer par là que la nécessité de la foi pour être sauvé ; mais le mot de condition présente à l'esprit l'image d'une participation agissante méritoire ; et l'humble participation du recevoir ne saurait être qualifiée de condition sans abuser du langage.
Vous vous rendriez ridicule si vous disiez :
La vallée de Chamonix est admirable -- mais à condition qu'on la regarde ; ou le raisin est un fruit exquis -- mais à condition qu'on le prenne.
Il ne faudra pas dire davantage :
La grâce de Dieu nous sauve, mais à condition qu'on y croie ;
mais il faudra dire avec l'Apôtre :
« La grâce de Dieu nous sauve par la foi. »
Par la foi, précisément pour bien constater que l'homme n'y est pour rien, et que le salut est un don de Dieu, un pur don, tout gratuit ; ainsi l'explique l'Apôtre, reprenant sa pensée par le côté négatif, pour ne laisser à notre orgueil aucune issue par où lui échapper :
« Cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu ; cela ne vient pas des oeuvres, afin que nul ne se glorifie. »
C'est dans le même esprit que le même Apôtre écrit aux Romains une ligne qui résume à elle seule tout ce que nous pourrions dire là-dessus :
« C'est par la foi -- afin que ce soit selon la grâce. »
Pesez bien cette parole profonde.
Non seulement, nous sauvant par la foi, Dieu nous sauve par Grâce ; mais s'Il nous sauve par la foi, c'est précisément pour réduire la participation de l'homme aux moindres proportions possible, pour constater, pour rendre visible à tous les yeux, qu'Il nous sauve par pure Grâce, sans condition, sans mérite, sans autre action humaine que celle qui nous met en rapport avec l'action Souveraine de Dieu.
Viens donc, pauvre pécheur qui me prêtes une oreille si attentive, et qui voudrais de si bon coeur vivre dans la Grâce, mourir dans la paix et ressusciter dans la gloire, mais qui as jusqu'ici douté de Dieu et désespéré de toi-même, viens, et crois.
Ne te tourmente-pas de ce que tu as à faire, crois.
Ne te tourmente pas de ce que c'est que croire, crois : ton coeur t'instruit assez de ce que c'est, et l'expérience t'apprendra le reste. (...)
La Grâce ou l’oeuvre du Père par Adolphe Monod (Suite partie 3)
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