« Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi ; et cela ne vient point de vous c'est le don de Dieu ; non point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Éphésiens 2.8-10) |
Selon la Loi, la promesse de la vie, attachée à une condition que vous ne pouvez remplir dans votre état actuel, et qu'au surplus vous avez déjà transgressée, vous était à tout jamais inaccessible, et ne vous laissait pas d'autre partage que le désespoir : selon la Grâce, vous pouvez entrer dans la vie tel que vous êtes, en vous soumettant à ce salut humiliant que Dieu met à votre portée, et dont Il a fait Lui-même tous les frais.
Il a envoyé son Fils au monde ; Il a accompli en Lui toute l'Oeuvre de la Loi ; Il a fait venir sur Lui l'iniquité de nous tous ; Il L'a frappé à notre place, sur la croix ; Il L'a ressuscité des morts, et L'a élevé à Sa Droite, et Il a promis la vie éternelle à quiconque la veut venir prendre en Jésus-Christ.
Voilà désormais, au lieu de la Justice impraticable de la Loi, une Justice praticable pour nous, parce que Jésus-Christ se charge de tout.
C'est la doctrine de saint Paul dans un admirable passage de son Épître aux Romains :
« Car Christ est la fin de la loi en justice à tout croyant. Or Moïse décrit ainsi la justice qui est par la loi, savoir que l'homme qui fera ces choses vivra par elles. Mais la justice qui est par la foi s'exprime ainsi : Ne dis point en ton coeur : Qui montera au ciel ? Cela est ramener Christ d'en haut. Ou : Qui descendra dans l'abîme ? cela est ramener Christ d'entre les morts. Mais que dit-elle ? La parole est près de toi, en ta bouche et en ton coeur » (Romains 10.4-7).
Pour nous qui avons perdu la Justice de la Loi qui disait :
« L'homme qui fera ces choses vivra par elles, » reste la Justice de la foi qui nous est tout ouverte et tout accessible, parce que transportant en Christ tout ce que nous n'avions pas fait et n'aurions jamais pu faire, elle substitue à la question de savoir si nous pouvons, et si nous avons fait, la question de savoir si Christ peut, et si Christ a fait.
Cette justice-là, tout aimable, toute prévenante, parle ainsi :
« Ne dis point en ton coeur : Qui montera au ciel ? C'est en faire descendre Christ ; ni : Qui descendra dans l'abîme ? C'est rappeler Christ d'entre les morts. »
C'est-à-dire : ne te tourmente pas de cette parfaite obéissance que tu devais à la Loi de Dieu, et que tu ne lui as point rendue ; car ce n'est plus à toi qu'elle est demandée, c'est à Christ, qui peut la rendre, et qui l'a rendue ; c'est une chose faite.
Ne te tourmente pas non plus de cette peine redoutable que tu as encourue, et que tu ne pourrais souffrir qu'en perdant ton âme, car, ce n'est pas sur toi qu'elle tombera, c'est sur Christ, qui la peut souffrir, et qui l'a soufferte ; c'est une chose faite.
« La parole est près de toi, en ta bouche et en ton coeur. »
Le salut que l'on te presse d'accepter est un salut tout fait, que tu n'as qu'à prendre ; un autre a travaillé, il ne te reste qu'à entrer dans son travail.
Sur quoi Luther, le Paul de la Réformation, écrit ces paroles naïves et pénétrantes :
« Il faut bien savoir distinguer la loi d'avec l'Évangile. La loi et l'Évangile sont aussi différents l'un de l'autre que l'homme est différent de Dieu ; car la Loi nous entretient de ce que nous devons à Dieu, et l'Évangile de ce que Dieu nous a donné.
La Loi nous prescrit, et nous impose, ce que nous devons faire ; elle est toute tournée vers le faire, et tout occupée d'exiger.
Car Dieu dit par la Loi : Fais ceci, ne fais pas cela, voilà ce que je veux !
L'Évangile, tout au contraire, au lieu de prescrire, d'imposer, d'exiger, le prend en sens opposé.
Il ne dit pas :
Fais ceci, ne fais pas cela ; mais il nous invite à étendre la main et à prendre, en disant :
Vois, mon ami, ce que Dieu a fait pour toi ; il a envoyé son Fils en chair, et il l'a livré à la mort ; et toi, il t'a délivré de la mort, du péché, de l'enfer et du Diable.
Crois cela, et l'accepte, et tu seras bien heureux !
Tu seras ? Ce n'est pas assez : tu es bien heureux.
J'ai affaibli mon texte. Vous serez sauvés par la grâce, disais-je ; mais l'Apôtre dit à quiconque croit :
« Par la grâce vous avez été sauvés, » et il le dit par deux fois en quatre lignes.
La première, en parenthèse, comme d'une chose si bien connue qu'il n'a besoin que de la rappeler ; la seconde, en thèse directe, comme d'une chose si bien affermie qu'il est prêt à l'établir contre tout venant.
« Vous avez été sauvés » (Tite 3.5 ; 1Timothée 1.13, etc.).
C'est une chose faite, pour le chrétien, tout aussi bien que d'être perdu est une chose faite pour le pécheur.
De tout perdu qu'il était hier, aujourd'hui il est tout sauvé.
Si ce langage vous paraît trop absolu, lisez plutôt l'Apôtre lui-même développant sa pensée dans les versets qui précèdent mon texte et qui l'amènent :
« Dieu, qui est riche en miséricorde, par sa grande charité de laquelle il nous a aimés, lors, dis-je, que nous étions morts en nos fautes, il nous a vivifiés ensemble avec Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvés ; et il nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes en Jésus-Christ » (versets 4-7).
Est-ce assez de gratuité ? Est-ce assez d'assurance ?
Ce langage, je le sais bien, est taxé de présomption par tous ceux qui en appellent au mérite des oeuvres ; et à leur point de vue, ils ont raison.
Oui, le langage que saint Paul tient lui-même et qu'il nous engage à tenir, serait le comble de la présomption, pour qui songerait à mériter.
Mais pour qui n'attend rien que de la grâce, ce langage est l'expression toute simple de la reconnaissance, de l'amour.
Que dis-je ? De l'humilité.
Il n'y a pas plus de présomption à dire :
J'ai été sauvé par la grâce, quand on le dit dans l'esprit de l'Apôtre, qu'il n'y en aurait de la part d'un pauvre qui aurait été tiré de la misère à dire : Voyez le bien qu'il m'a fait ; me voici hors de peine ! que je serais ingrat de ne pas l'aimer !
Allez, mon frère, frère en Adam par le péché, frère en Christ pour le salut, laissez dire au monde ; et quoi qu'il en puisse penser, prenez le salut gratuit qui vous est présenté !
Présenté aujourd'hui, prenez-le aujourd'hui ! Et ne vous endormez pas ce soir que vous ne puissiez dire :
J'ai reçu la vie éternelle !
Et qu'est-ce donc qui vous pourrait retenir ?
Est-ce que vous êtes trop bon, trop vertueux, trop saint, pour avoir besoin d'un tel salut ?
Malheureux, va donc apprendre à te connaître.
« Tu dis : Je suis riche, je suis dans l'abondance et je n'ai besoin de rien ; et tu ne connais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu » (Apocalypse 3.17).
Ou bien, est-ce que vous êtes trop coupable pour en être digne ?
Mon frère, que me dites-vous là ?
Eh quoi ! Trop coupable pour dire avec le publicain :
« Mon Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur ! »
Trop coupable pour dire avec le larron en croix :
« Je reçois ce que j'ai mérité ; »
Ou avec saint Paul :
« Je suis le premier des pécheurs ! »
Viens, viens, comme ils ont fait, tel que tu es, chargé du fardeau de tes péchés, et tu « retourneras dans ta maison, » comme eux, pliant sous le poids de la Grâce !
Mais pour avoir part à « la Grâce de Dieu, » que faire ?
Cette Grâce « salutaire (en principe) pour tous les hommes, » mais dont (en fait) tous ne profitent pas, comment vous sera-t-elle appropriée ?
« Par la foi, »
répond l'Apôtre :
Si la grâce est le principe du salut, la foi en est le moyen.
Une version plus littérale ferait mieux sentir ce rapport :
- « Vous avez été sauvés par la grâce, par le moyen de la foi (By grace, through faith). »
La foi, dont l'Écriture parle si souvent, la foi, qui est le gage de toutes les promesses, n'y est pas plus définie que la grâce.
Car ces mots par lesquels s'ouvre le magnifique tableau des triomphes de la foi (Hébreux 11.1) :
« La foi est une représentation des choses qu'on espère, et une démonstration de celles qu'on ne voit point, »
expliquent moins le caractère de la foi qu'ils n'en décrivent la puissance.
Sans doute, c'est encore ici une de ces notions élémentaires, que l'on obscurcirait en cherchant à les éclaircir, et qui s'expliquent d'elles-mêmes à l'esprit de l'homme ; ou s'il manque quelque chose à leur conception, c'est à la vie et aux faits, non à la philosophie et au langage, qu'il appartient d'y suppléer.
Imitons l'Écriture ; c'est le plus populaire de tous les maîtres, et tout ensemble le plus exact. (...)
La Grâce ou l’oeuvre du Père (Suite partie 2)
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