“TOUTES LES FAMILLES DE LA TERRE
SERONT BÉNIES EN TOI”
Trouve-t-on des traces de racisme dans la Bible ? Comme on entend affirmer parfois que c’est le cas, il faut bien répondre à cette accusation.
Accusation en fait totalement infondée pour quiconque sonde attentivement le contenu des Écritures, et ne se laisse pas entraîner à répéter un slogan ou un cliché que d’autres lui ont fourré dans le crâne.
Constatons d’abord que la Bible reste de loin le premier best-seller mondial et qu’elle continue à être traduite dans un grand nombre de langues: des hommes et des femmes appartenant à des peuples, des nations, des continents très éloignés les uns des autres, continuent à y puiser une ressource spirituelle qui motive leur existence.
Cela pourrait-il être le cas si la Bible proclamait un message raciste, affirmant par exemple la supériorité de la race caucasienne sur la race noire, ou celle des japonais sur les papous ?
En fait ce qui dès les premières pages de la Bible démonte toute idée de racisme c’est que l’humanité entière est issue d’un couple originel.
Peu importe pour mon présent propos que l’on y croie ou non, on est bien forcé de constater que la Bible parle de ce couple originel.
Tous les êtres humains, à quelque groupe qu’ils appartiennent, se retrouvent dans la condition humaine d’Adam et Eve.
Et ce message est répercuté sur toutes les pages qui suivent.
Bien sûr, l’existence de peuples divers y est souvent mentionnée (je dis bien de peuples, car la Bible ne parle jamais de races au sens moderne qu’on a donné à ce terme à partir du dix-neuvième siècle surtout).
Mais ce qui est le plus étonnant, c’est que statistiquement parlant, le peuple le plus critiqué dans la Bible, est celui-là même dont elle est issue, celui qui l’a écrite : c’est le peuple d’Israël, le peuple juif !
Ce sont les prophètes juifs qui reprochent à leurs compatriotes tant de violations de la Loi de Dieu, de désobéissances et de pratiques mauvaises.
Bien sûr les peuples voisins qui adoraient des idoles de pierre et de bois ne sont pas épargnés, loin de là !
Mais Israël l’objet de l’affection divine car il l’a choisie pour en faire son propre peuple, le peuple de son Alliance, elle lui a été infidèle.
Combien de fois lisons-nous qu’il l’a choisie non pas parce qu’elle était supérieure aux autres peuples, mais en fait précisément pour le contraire : aux yeux de Dieu les Hébreux n’avaient rien qui puissent les rendre plus attirants que d’autres nations; c’est son libre choix divin qui s’est porté sur eux.
A ce peuple viendront se joindre des étrangers qui en adopteront le culte (Exode 12:48-49).
Deux femmes d’origine étrangère, Rahab de Jéricho et Ruth la Moabite, feront même partie de la lignée qui mènera au roi David et, par sa descendance, au Messie promis (ce que rappelle explicitement la généalogie de Jésus en Matthieu 1:5).
L’argument selon lequel la dépossession et l’élimination par les Israélites des peuples qui habitaient en Canaan (narrées au livre de Josué) relèverait d’une forme de racisme exacerbé, ne tient pas la route.
C’est pour des raisons cultuelles (pratiques idolâtres qualifiées à maintes reprises dans l’Ancien Testament d’ abominables, comme les sacrifices d’enfants à leurs divinités, la sorcellerie, la divination etc.) que ces peuples sont retranchés, et non pour des raisons ethniques ou raciales (Lévitique 18:24-30 ; Deutéronome 7:1-6 ; 20:17-18 ; 1 Rois 21:26 ; 2 Chroniques 36:14 etc.)
L’universalité du message de la Bible trouve son apogée dans l’Évangile et l’abolition du mur de séparation entres les Juifs et les autres nations (ta ethnê en grec), à commencer par les Samaritains.
La rencontre entre Jésus et la femme samaritaine au puits de Sychar (Jean 4) préfigure l’envoi des disciples vers toutes les nations, à commencer par la Judée et la Samarie (Actes 1:8).
Le disciple Pierre se voit commander d’aller rendre visite à un centenier romain et sa maisonnée (Actes 10) pour justement leur annoncer l’Évangile.
Dans sa lettre aux chrétiens d’Éphèse (2:11-18), Paul insiste sur la destruction du mur de séparation qui éloignait autrefois les autres nations des enfants de la promesse.
Un court passage du Nouveau Testament mérite toutefois un commentaire : dans sa lettre à Tite (1:12-13) l’apôtre Paul dénonce à son collaborateur les défauts des habitants de l’île de Crète, qu’il devait bien connaître.
L’ironie tient à ce qu’il dénonce ces travers en citant un de leurs propres poètes, Épiménide, ayant vécu au septième siècle avant Jésus-Christ, et qui écrit quelque part : Crétois, toujours menteurs, méchantes bêtes, ventres paresseux.
Et Paul d’approuver ce témoignage, qui est en fait non pas la critique d’un groupe ethnique en tant que tel, mais celle des mauvaises habitudes qui caractérisent les habitants de cette île.
Cela dit, si Paul était un raciste, considérant les Crétois comme un peuple inférieur, il ne se préoccuperait guère de planter des communautés chrétiennes solides en Crète et de donner des instructions précises à Tite dans ce but, afin que les fruits de l’Esprit deviennent visibles chez les Crétois.
Voilà d’ailleurs où se trouve la preuve la plus flagrante que le message de la Bible est tout sauf raciste : il s’adresse à tous, quels que soient leur origine ethnique ou sociale.
Et cela parce que Dieu a envoyé sur terre le nouvel Adam, le prototype de la nouvelle humanité, son propre Fils, Jésus-Christ.
Celui-ci a commandé à ses disciples : Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.
Dans une autre lettre écrite par le même apôtre Paul aux communautés chrétiennes de la région de Galatie (3:26-29), la réalité de la nouvelle vie en Jésus-Christ, commune à tous les croyants sans exception, est décrite comme suit :
Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Christ-Jésus: vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtus Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Christ-Jésus.
Et si vous êtes à Christ, alors vous êtes la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse.
Une promesse faite dix-sept siècles plus tôt, qu’on trouve au douzième chapitre du livre de la Genèse, et qui comprend cette parole : Toutes les familles de la terre seront bénies en toi (12:3).
Aux membres de l’église de Colosse, en Asie mineure, le même Paul décline les implications éthiques de la nouvelle identité qu’ont reçue les membres de cette église, quelle que soit leur origine ethnique ou autre (3:9-11):
Ne mentez pas les uns aux autres, vous qui avez dépouillé la vieille nature avec ses pratiques et revêtu la nature nouvelle qui se renouvelle en vue d’une pleine connaissance selon l’image de celui qui l’a créée. Il n’y a là ni Grec, ni Juif, ni circoncis, ni incirconcis, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni libre; mais Christ est tout et en tous.
S’il y a un lieu où l’harmonie et le respect entre personnes d’origines ethniques différentes devrait régner et être visible aux yeux de tous, fondés non pas sur de vagues bons sentiments mais sur la réalité d’une œuvre de réconciliation qui fait de tous des membres d’un seul et même corps, celui du nouvel Adam, c’est bien l’église de Jésus-Christ.
C’est lui qui s’est donné pour tous et les appelle à vivre dans l’unité de la foi, de l’espérance et de l’amour.
Qu’au sein d’une même communauté il faille souvent faire preuve de patience, de persévérance et de sagesse à cet égard n’annule pas cette réalité.
Ces efforts doivent au contraire manifester la réalité en question par des œuvres qui reflètent la perfection du Christ mort et ressuscité pour le salut d’un grand nombre.
L’existence de communautés chrétiennes exprimant des particularismes linguistiques ou culturels qui permettent à l’Évangile d’être communiqué avec plus de clarté aux uns et aux autres, n’exprime pas en soi la négation d’une telle unité, pour autant que cela ne constitue pas une barrière avec d’autres communautés sœurs, conduisant à proclamer ici et là un Évangile ethnique : non plus un Évangile universel qui prend en compte un certain degré de diversité culturelle ou linguistique, mais un évangile tronqué qui prend comme source tel ou tel particularisme culturel et plus le Christ régnant sur son Église depuis les cieux.
Une communion fraternelle exprimée concrètement entre communautés chrétiennes qui se trouvent sur un même sol mais diffèrent de par leur culture, devrait être maintenue comme signe que ce n’est pas l’origine ethnique ou linguistique qui se trouve à la source ou au cœur de l’église, mais bien celui qui en est la tête et le chef : Jésus-Christ.
Cette unité se manifestant dans la diversité constitutive de l’universalité du peuple de Dieu sous la bannière du Christ, est exprimée dans le dernier livre de la Bible, l’Apocalypse (5:9-10).
Le cantique nouveau chanté en l’honneur de celui qui est présenté tout au long de ce livre comme l’Agneau immolé, contient les paroles suivantes, témoignant de l’universalité de la rédemption acquise par l’Agneau de Dieu :
Tu es digne de recevoir le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu as été immolé et tu as racheté pour Dieu, par ton sang, des hommes de toutes tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation ; tu as fait d’eux un royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu, et ils régneront sur la terre.
Pasteur Protestant Réformé,
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